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Première création du couple McLaren-Honda reformé, la MP4-30 était très attendue. Sa présentation, jeudi, a été à la hauteur des attentes : le bolide, qui reprend les couleurs en vogue à Woking à la fin des années 1990, rompt nettement avec sa devancière.

PACKAGE RESSERRÉ

Ce qui frappe d’emblée, c’est la compacité du train arrière. Comme on le voit sur l’illustration ci-dessus (flèche et ligne rouges), les pontons sculptés se resserrent considérablement à l’arrière, alors que ceux de la MP4-29 étaient aussi longs que volumineux.

Les ingénieurs de McLaren ont logé le radiateur moteur, l’intercooler et le radiateur d’huile à l’avant des pontons, dégageant ainsi l’arrière de la voiture, particulièrement ajusté. La chaleur dégagée serait dès lors expulsée seulement à travers l’étroite ouverture à la fin de la carrosserie et grâce à une ouïe de refroidissement au-dessus du pot d’échappement, ce qui suppose un refroidissement très efficace de la part de Honda, comme l’a souligné le directeur Tim Goss :

“Le châssis est beaucoup plus compact. Notre motoriste a fait un boulot incroyable pour tout caser dans un espace aussi limité. Honda s’est demandé s’il fallait placer le compresseur et la turbine à l’arrière du moteur, ou s’il fallait plutôt les séparer. La position des radiateurs a également été examinée – plutôt à gauche ou plutôt à droite –, car elle a bien sûr une influence sur l’aérodynamique.”

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INFLUENCE RED BULL ?

Propulsée par le V6 Honda (qui aurait adopté l’architecture du bloc Mercedes), la MP4-30 a abandonné les volumineux “canons” installés sur la monoplace 2014 afin d’extraire l’air chaud (et sans doute repris par la Lotus E23). La finesse de l’ensemble se remarque notamment au niveau du cockpit : les protections latérales ont la hauteur réglementaire, mais la zone qui les entoure est abaissée et rétrécie au maximum (flèche et courbe vertes) pour mieux diriger le flux d’air vers l’arrière de la monoplace. Si la prise d’air reste divisée en deux conduits (l’un pour l’alimentation du V6, l’autre pour refroidir l’huile de la boîte de vitesses derrière le moteur), l’ouverture derrière la tête du pilote a laissé la place à deux minuscule ouïes destinées à refroidir l’électronique près du moteur (flèches jaunes dans l’insert).

Cet arrière très ramassé, d’inspiration Red Bull, porte manifestement l’empreinte du nouvel aérodynamicien en chef Peter Prodromou, ancien bras droit d’Adrian Newey à Milton Keynes. La MP4-30 n’est pourtant son œuvre qu’en partie seulement : arrivé le 15 septembre dernier, l’ingénieur grec, né en Angleterre, a pris le train en marche, les grandes lignes du projet ayant été validées plus tôt par Tim Goss et Matt Morris.

La MP4-30 n’est l’œuvre de Peter Prodromou (ex-Red Bull) qu’en partie seulement…

On le voit entre autres dans le dessin des attaches de la suspension arrière : les bras de suspension sont encore fixés très en retrait sur la transmission (flèches oranges), de manière à pouvoir accueillir des appendices aérodynamiques en forme de cloche ou de champignon vu l’an dernier (cliquez ici pour vous rafraîchir la mémoire). Prodromou ne serait pas favorable au concept, mais l’architecture de la suspension – structurellement liée à la boîte de vitesses – n’aurait pu être modifiée à temps (le concept est en tout cas incompatible avec la position très basse des ouïes de refroidissement à du capot arrière).

Notons enfin que le pilier central destiné à soutenir l’aileron arrière, absent des images diffusées, devrait être présent, comme on le voit dans l’animation à 360° sur le site. Quant aux entailles ornant le flap principal, vues au Grand Prix d’Allemagne l’an passé, elles ne devraient pas faire partie du package standard mais pourraient apparaître selon les circuits.

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NEZ DÉMESURÉ

Autre surprise : le nez, plus long, plus large et plus plongeant que sur les autres bolides 2015. Comme la Ferrari SF15 T, mais contrairement à la Williams et à la Lotus, dont les museaux ne dépassent pas la limite des 85 cm minimum (expliquée ici en images), la McLaren la franchit allègrement en prolongeant son nez au-delà de l’aileron avant (il n’est cependant pas exclu que Woking raccourcisse son museau plus tard dans la saison, après avoir passé un nouveau crash-test). Doté d’une protubérance, le nez de la C34 de Sauber est lui aussi plus long que la moyenne. Là où la FW37 obtient la surface réglementaire par une section carrée, la future monture d’Alonso et Button y parvient par une forme plus rectangulaire, mince et large.

Cette zone était le talon d’Achille de la MP4-29, dont l’ensemble aileron-nez-capot avant alimentait abondamment en air le fond plat mais sans générer de vortex Y 250 suffisamment puissants (pour comprendre l’importance de ces tourbillons volontairement générés, cliquez ici). En interaction avec les piliers et la section neutre de l’aileron avant, le nouveau dessin du nez (surtout sa partie inférieure) devrait contribuer à optimiser l’écoulement du flux d’air. L’aileron apparu en Russie l’an passé, copie carbone du modèle Red Bull, avait été introduit pour corriger – autant que possible – ce défaut structurel.

La suspension avant, conventionnelle, est attachée assez haut (à l’instar de la Williams), même si les bras sont installés presqu’à l’horizontale pour une meilleure adhérence mécanique (comme sur la Lotus E23). Si elles n’adoptent pas le dessin sophistiqué vu sur les Mercedes W05 et 06, les caméras sont placées plus haut que l’an dernier, afin de séparer le flux d’air et le diriger sous la voiture.

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DES APPUIS PLUS EXPLOITABLES

Si l’influence de Red Bull se remarque visuellement sur la MP4-30, elle a également modifié l’approche suivie par l’équipe de Ron Dennis. Alors qu’elle recherchait traditionnellement l’appui maximal en soufflerie (au prix d’une fenêtre exploitation parfois très étroite), l’écurie entend désormais produire de l’appui réellement utilisable par les pilotes.

“Le concept de la MP4-30 est tourné vers la facilité d’utilisation pour le pilote, explique le directeur sportif Eric Boullier. Nous voulons être certains que nos pilotes puissent exploiter la voiture à la limite. Si votre machine est performante, mais que le pilote ne peut pas la conduire, c’est évidemment du gâchis”

L’une des forces de Red Bull est de produire des flux aérodynamiques extrêmement stables (comme on le voit par exemple en examinant les traces laissées sur la peinture verte fluorescente utilisée par les teams en tests). La forme des pontons, le style des entrées d’air latérales, les ailerons avant et arrière s’inspirent clairement de cette philosophie.

L’écurie joue gros cette année, elle qui a difficilement devancé Force India au classement final l’an dernier (cinquième) et n’a plus remporté la moindre course depuis 2012…

Plutôt que juger la MP4-30 sur ses débuts (maladies de jeunesse à prévoir, mise en place du partenariat avec Honda, complexité des technologies hybrides, etc.), il faudra observer la progression au fil des Grands Prix d’un couple mythique.

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