Moss Ferguson Oulton Park 1961 copie

Quel est le rapport entre une F1 et un tracteur ? Les mordus du taurillon répondront Lamborghini, qui a motorisé des équipes de milieu de grille comme Larousse ou Minardi entre 1989 et 1993, faisant même courir la Lambo (Modena Team) en 1991. Mais près de 30 ans plus tôt, un Irlandais vétéran du véhicule agricole avait déjà fait parler de lui avec un projet aussi astucieux qu’audacieux : Harry Ferguson.

A l’aube des années 60, Ferguson souhaitait prouver que la technologie des quatre roues motrices se justifiait et était désireux de l’appliquer en Formule 1, alors dominée par l’école des monoplaces à moteur arrière emmenée par John Cooper et Colin Chapman. Pour ce faire, le pionnier so irish s’entoura des pilotes Tony Rolt et Freddie Dixon pour concevoir une voiture suffisamment compétitive afin de démontrer tout le bien-fondé du ‘’4-wheel drive system’’. Ainsi naquit la P99, une jolie petite auto à la fois svelte et basse. Elle est équipée d’un quatre pattes Coventry Climax, moteur qui cartonne au début des Golden Sixties, placé à l’avant. Si la technique du ‘’cheval qui tire la charrette’’ est désuète, il permet à la P99 d’avoir un meilleur équilibre.

Last but not least, Claude Hill a été débauché d’Aston Martin pour faciliter l’intégration des trois différentiels et de l’arbre de transmission. Des freins antiblocage, ancêtres de l’ABS, ont également été ajoutés. Malheureusement, le sort va s’abattre sur la petite Irlandaise quand Harry Ferguson décède avant même que son bébé ne participe à sa première compétition.Pour corser le tout, la règlementation a changé avec une cylindrée maximale passant de 2,5 litres à 1500 cc, le surpoids de la transmission intégrale devenant un handicap encore plus important. Néanmoins, avec le concours de l’écurie du moment Rob Walker, la première F1 à quatre roues motrices fait ses débuts en compétition dès 1961.

Moss Ferguson Aintree 1961

La P99 participe à sa première grande course à l’occasion du British Empire Trophy à Silverstone avec Jack Fairman, un pilote occasionnel surtout reconnu pour ses résultats en catégorie sport. Le baptême de la P99 s’arrêtera au deuxième tour, le Britannique étant victime d’un accident. La seconde course est un gros morceau pour la Ferguson puisqu’il s’agit du Grand Prix de Grande-Bretagne à Aintree. Fairman est reconduit sur la voiture tandis que Stirling Moss roule sur sa Lotus 18 habituelle. Heureusement, il pleut le jour de la course, une aubaine pour la P99 de montrer le potentiel de sa transmission intégrale. Mais c’est bien Moss avec sa Lotus à propulsion arrière qui se bat contre les Ferrari 156 en tête du peloton. Le champion sans couronne finira par partir à la faute avant de rentrer aux stands, victime de problèmes de freins. Fairman est dès lors rappelé au box afin de céder son baquet à Moss pour le reste de la course. Hélas, la remontée homérique du Britannique sera stoppée net par les commissaires qui excluent la voiture au 56ème tour pour avoir reçu une aide externe dans la pitlane. Néanmoins, le vice-champion 1958 a eu le temps de prouver que bien conduite, la Ferguson P99 pouvait tirer son épingle du jeu quand la météo s’en mêle.

Pour l’International Gold Cup disputée à Oulton Park, c’est Moss qui est placé dans la voiture. Alors que l’été bat son plein, c’est un crachin typiquement britannique qui attend les concurrents. Qualifié en deuxième position, le pilote au casque blanc s’envole et associe son agilité légendaire à l’efficacité démoniaque des quatre roues motrices de la P99 pour réaliser un festival ! La mayonnaise prend et malgré un plateau composé de Cooper, BRM ou Lotus, Moss l’emporte avec 46 secondes d’avance sur Jack Brabham. C’est un moment historique pour la Ferguson qui devient la seule et unique voiture à transmission intégrale à remporter une épreuve réservée aux F1 (certes ne comptant pas pour le championnat du monde), en plus d’être la dernière auto lauréate avec le moteur placé à l’avant ! A la fois dépassée et en avance sur son temps, la P99 a pourtant marqué Sir Stirling Moss qui s’en rappelle encore aujourd’hui : « En ce qui concerne la ‘Fergie’, c’était le genre de voiture qu’on aurait adoré garder au fond du garage lorsqu’il faisait beau, et en profiter pour la mettre en piste en cas de pluie. S’il pleuvait, cette voiture était imbattable. Absolument imbattable. »

Cependant, l’école de la transmission intégrale n’eut pas le succès escompté auprès des autres constructeurs. Si Lotus, Matra et McLaren s’y sont essayé à la fin des années 60, ils ne seront jamais parvenus à exploiter aussi bien les quatre roues motrices que Ferguson. Quant à la P99, on la retrouvera en Australie aux mains de Graham Hill avec une deuxième place à la clé lors du Lakeside International, disputé hors-championnat. Elle servira de base à la Novi P104 pour Indy 500 avant de connaître une nouvelle vie en championnat britannique de course de côte. Grâce à Peter Westbury, elle sera sacrée en 1964 avant d’être mise au placard quatre ans plus tard. Ainsi se termine la carrière d’une des plus atypiques monoplaces que la F1 n’ait jamais connue. On peut aujourd’hui l’admirer lors du Goodwood Festival of Speed pendant le mois de juillet. Bye bye Fergie !

Westbury Ferguson Hillclimb 1964 copie

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