Nul n’a jamais su pourquoi, vers 2h45 ce 1er juin 1986, la Porsche 962C Kremer aux couleurs Kenwood que pilotait Jo Gartner (associé au Sud-Africain Sarel Van der Merwe et au Japonais Kunimitsu Takahashi) s’est brutalement affaissée dans les Hunaudières.

On a parlé d’un blocage subi de boîte, d’une rupture de suspension, d’un animal ayant soudain traversé. La voiture a tapé la glissière, chevauché le rail, décapité un poteau téléphonique avant de se retourner et d’échouer, en flammes, de l’autre côté de la piste. Josef Gartner a sans doute péri sur le coup, rejoignant Jochen Rindt, Hetmuth Koinigg et autre Roland Ratzenberger dans la trop longue liste des pilotes autrichiens emportés par leur passion. Il n’avait que 32 ans.

Ce Viennois né en 1954 avait souvent utilisé son propre matériel pour gravir les échelons : en Super Vee (vice-champion européen 78) puis en F3 continentale, avant de passer dès 1980 en F2. Avec des March ou Toleman souvent vieilles de plusieurs saisons, ou une Merzario hors du coup, le butin est maigre. En 1983, il rachète une Spirit 201 ex-usine, y monte un bloc béhème et enlève – sous la bannière Emco – le Grand Prix de Pau après un rude combat contre la Maurer d’Alain Ferté, qui sera disqualifiée car sous le poids. Il est sixième du championnat. On le voit, déjà, s’essayer en Endurance, et il a tâté de la série Procar à bord d’une BMW M1 engagée par son compatriote Helmut Marko. Prévu en 83 chez ATS pour le Grand Prix d’Autriche, son engagement n’est finalement pas confirmé. En 1984, un sponsor lui permet enfin d’intégrer la F1, de manière sporadique, via Osella. A Imola, il réussit l’exploit de se qualifier au détriment de son équipier Ghinzani, relégué à 1’’8. Il doit hélas renoncer sur casse moteur au 46ème tour. Il est de retour à partir de l’Angleterre et pour la fin de saison – non sans avoir négocié le volant de la seconde Toleman ex-Ceccoto, accidenté, aux côtés de Senna – se hissera chaque fois sur la grille, et va se classer 12ème aux Pays-Bas. Le meilleur est toutefois à venir.

A Monza, le voilà 24ème en qualif. Le lendemain, s’il ne quittera pas l’arrière du peloton, il va dépasser plusieurs concurrents dont son compatriote Berger (qui va enlever ce jour-là le premier Top 6 de sa carrière pour son deuxième Grand Prix, sur une ATS-BMW, mais pas de point pour la même raison que lui) et grimper dans la hiérarchie. Il est 12ème sur 14 à mi-parcours, et les machines tombent comme des mouches. A cinq tours du drapeau à damier, les deux Osella sont dans les points ! La petite squadra n’en prendra pourtant aucun. C’est d’abord Piercarlo Ghinzani, extraordinaire 4ème, qui est à court d’essence à 3 tours du but, le V8 Alfa Roméo buvant beaucoup. Jo, lui, tient bon jusqu’au bout, tout doux sur la pédale de gaz, et prend une énorme cinquième place… qui ne lui rapporte rien : Osella n’ayant engagé en début d’année qu’une monoplace, la seconde est inéligible pour des points. Qu’importe, l’Autrichien a prouvé qu’il mérite sa place.

Il la perd pourtant, faute de moyens financiers, Arrows par exemple lui préférant Gerhard durant l’hiver. Il a pris goût aux épreuves de longue durée, disputant cette même année 84 les 24 Heures de Spa-Francorchamps et les achevant en quatrième position. 1985 le voit dès lors retourner à l’Endurance, chez John Fitzpatrick avec des 956. Il termine ainsi 4ème des 24 Heures du Mans avec David Hobbs et Guy Edwards, après avoir mené la plupart des relais, et achève la saison en Imsa. Pour 86, il se lie à la fois aux frères Kremer, s’imposant d’entrée à Thruxton en Interserie et finissant 3ème des 1.000 km de Silverstone associé à Tiff Needell, et à Bob Akin en Imsa, enlevant les 12 Heures de Sebring avec pour partenaire Hans-Joachim Stuck. On le chuchote déjà chez Porsche Rothmans, l’usine, l’année suivante quand survient le drame manceau qui nous prive à jamais d’un self-made-man de talent.

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