Quand on évoque Marc Surer, en se souvient d’un pilote éclectique, capable de briller en F1 (81 Grands Prix de 1979 à 1986, 17 points), en Sports Protos, en Tourisme (vainqueur des 24 Heures de Francorchamps 1985) et, hélas, en rallye : celui d’Essen en 1986 signifia la fin de sa carrière, quand la Ford RS200 Gr. B qu’il pilotait tapa deux arbres, le Suisse en sortant grièvement blessé alors que son navigateur et ami Michel Wyder trouvait la mort.

En Formule 1, son nom est surtout associé à Arrows, avec qui il disputa 47 épreuves. Mais il œuvra aussi chez ATS, Théodore, Brabham et d’abord Ensign, dont le patron Mo Nunn fut le premier à lui donner sa chance en 1979, tandis qu’il venait de s’assurer le titre européen de F2 sur une March couvée par BMW. Après un passage chez ATS en 80 – et, déjà, un gros carton (il en vécu plusieurs) en Afrique du Sud qui le laissa plusieurs mois sur la touche – il retrouve Ensign début 1981. Comme souvent dans l’histoire de l’écurie britannique perpétuellement désargentée, la N180B alignée en 81 n’est qu’une version retouchée de la monoplace de l’année précédente. A son volant, Surer n’a pas fait de miracle lors de l’ouverture de la saison à Long Beach : 19ème de grille, retrait en course.

En arrivant à Jacarepagua (le Grand Prix du Brésil se dispute alors à Rio), Marc n’est… même pas sûr de rouler. Ensign n’a qu’un châssis et deux pilotes, le Colombien Riccardo Londono-Bridge – obscur personnage suspecté de tremper dans le trafic de drogue et qui finira assassiné en 2009 – étant supposé débuter à sa placer grâce à une pleine valise de (narco ?) dollars. Mais Londono n’obtient pas, à juste titre, la superlicence et Surer récupère son volant. Dix-huitième de la première séance qualificative à près de quatre secondes de la Williams de Reutemann, l’Ensign est à sa place. Place qu’elle conservera le lendemain. Lors du warm-up du dimanche matin, Surer est 14ème, toujours à quatre secondes de la tête. La course n’annonce rien de brillant. Et pourtant…

Il pleut au moment du départ, qui donne d’ailleurs lieu à une série d’accrochages. Fin du premier tour : les Williams de Reutemann et Jones – qui finiront dans cet ordre aux deux premières places en dépit de consignes imposant la victoire d’Alan, ce qui scellera le divorce entre l’Australien et l’Argentin – sont en tête, Surer déjà neuvième. S’il cède à Watson (McLaren), l’Helvète passe vite Prost (Renault), Villeneuve (Ferrari) dont l’aileron avant est tordu, puis Rosberg (Fittipaldi). Sa maîtrise sous le déluge est impressionnante. Après 20 tours, il est septième, à la porte des points, à la lutte avec Jarier qui a remplacé au pied levé le convalescent Jabouille chez Talbot-Ligier. Non seulement Surer va passer « Godasso » mais il va pousser Watson à la faute. A mi-course, le voilà cinquième. Cible suivante : la Lotus de De Angelis, qu’il avale au 49ème tour. Un récital aquatique ponctué par les trois points de la quatrième place finale… et par le record du tour ! Fantastique, tout bonnement.

Marc offrira encore un point à Mo Nunn en finissant sixième à Monaco, avant d’être transféré chez Théodore pour le restant de la saison, puis d’entamer en 82 un long bail avec Arrows, ponctué de quelques places d’honneur. Mais il dut attendre de remplacer François Hesnault, début 1985 chez Brabham, pour égaler à Monza son meilleur résultat brésilien. Il aurait d’ailleurs pu l’améliorer cette année-là, un podium étant en vue à Brands Hatch puis Adélaïde avant que sa mécanique l’abandonne. Un temps à la tête du programme sportif de BMW, Surer est depuis des années commentateur des Grands Prix pour des télévisions allemandes et suisses. Il a aussi fondé une école de pilotage. Le Suisse a fêté ses soixante ans le 18 septembre dernier.

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