Eric Silbermann avait demandé, l’an passé, à Alan Permane (Renault) et Rob Smedley (Williams) en quoi consistait la trêve estivale. Y a-t-il des exceptions à la fermeture des usines ? Qui se charge de vérifier le respect de cette interruption ? La mesure est-elle populaire dans les écuries ? Voici les réponses des globe-trotters du paddock, toujours d’actualité.

L’OCCASION DE PRENDRE DU RECUL

“We’re all going on a summer holiday, / no more working for a week or two. / Fun and laughter on our summer holiday. / No more worries for me or you, / for a week or two.”

Qui aurait cru qu’en 1963, le grand-père de la pop anglaise Cliff Richard allait inventer le concept de “summer break” ou “trêve estivale” en bon français ? Bon, trêve de plaisanterie : cette coupure est obligatoire. Pendant deux semaines, aucune activité n’est permise à l’usine, à l’exception de certains travaux, que nous allons détailler. S’agit-il pour autant de réel farniente ? Pas tout à fait. Rien n’empêche, en effet, les ingénieurs de réfléchir et de prendre du recul :

“Je pense vraiment que la pause est bénéfique de ce point de vue, explique Rob Smedley, le chef de la performance chez Williams.  Elle  vous donne de la liberté de pensée. Car une fois que vous commencez la saison, vous êtes pied au plancher, sans répit. Pouvoir sortir de ce rythme effréné vous fait du bien. En même temps, les gens du paddock respirent, dorment et mangent Formule 1. C’est une vocation. En vacances, votre esprit est plus détendu, et bien que vous ne pensiez plus aux problèmes quotidiens, immédiats, d’autres idées peuvent surgir. Quand ça m’arrive, je les note dans un carnet. De retour au boulot, l’esprit rafraîchi, vous pouvez mettre ces idées en pratique.”

Il s’agit de la seule véritable pause de la saison, sans dossiers qui s’empilent sur le bureau en votre absence :

“Si vous partez en vacances à un autre moment, vous continuez à recevoir des emails, qui s’accumulent dans votre boîte, explique Alan Permane le directeur des opérations de Renault. Pendant la trêve d’été, vous n’en recevez aucun, car tout le petit monde des Grands Prix s’arrête de travailler. Les gens avec lesquels vous avez l’habitude de communiquer sont aussi partis en congé.”

Permane : “La Formule 1 est une industrie assez développée, mais en même temps c’est un petit monde : si une équipe continuait de travailler pendant la trêve, on le saurait tout de suite.”

© XPB Images

FONDÉ SUR LA CONFIANCE…

Contrairement à la règle du parc fermé, dont la FIA contrôle l’application en installant des caméras dans chaque garage, le respect de la pause estivale n’est pas contrôlé officiellement :

“La Formule 1 est une industrie assez développée, mais en même temps c’est un petit monde : si une équipe continuait de travailler pendant la trêve, on le saurait tout de suite, estime Permane. Comme les gens passent d’une écurie à l’autre, on le découvrirait tôt ou tard. C’est de l’autorégulation, en quelque sorte. Ce qui est permis, c’est la maintenance des machines à l’usine. Par exemple, il est interdit d’utiliser la soufflerie, mais vous pouvez faire l’entretien de l’installation. Les tunnels fonctionnent toute l’année, dans les limites du règlement, et on ne veut surtout pas les arrêter pendant la saison. Du coup, on profite des deux semaines de vacances pour remplacer certaines pièces ou les mettre à jour. Même chose avec la CFD [mécanique des fluides numérique]. Cet été, nous installons un nouveau système de CFD, ce qui est tout à fait autorisé. La trêve permet de faire ce genre de choses sans perdre de temps.”

De nos jours, cet intermède est parfaitement intégré dans les procédures des équipes.

“Il faut prendre certaines précautions juridiques et opérationnelles et s’assurer que tout le monde les respecte, par exemple en matière de courrier électronique ou d’échange avec les collaborateurs, analyse Smedley. Mais c’est assez simple en fin de compte. Chez Williams, nous avons mis en place des procédures spécifiques, chacun sait exactement ce qu’il a à faire. De retour de vacances, tout le monde connaît son programme, c’est un processus très simple, très rationnel. En théorie, que l’interruption dure deux semaines ou deux ans, cela ne devrait pas nous perturber outre mesure.”

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© XPB Images, Williams & Renault

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