F1i est allé à la rencontre du sympathique Gérard Lopez, le copropriétaire de l’écurie Lotus, le week-end dernier dans le paddock de Montréal, à l’occasion du Grand Prix du Canada.

L’occasion pour nous de revenir sur le début de saison de son équipe mais surtout d’avoir son regard d’investisseur aiguisé sur la prochaine introduction en bourse de la Formule 1. Si le Luxembourgeois y est favorable, il déplore la sous-exploitation de la F1 à l’heure actuelle, tant au niveau de son contenu que des nouveaux médias.

Que pensez-vous du début de saison de Romain Grosjean ?

« Il réalise un bon début de championnat. Il n’a pas fini trois courses sur sept, on pourrait donc dire que ce n’est pas bien. Il est vrai qu’il a commis deux erreurs en début de saison, ce n’était pas vraiment de sa faute à Monaco pour la troisième. Franchement, Romain est là où on l’attendait. Il va vite. Il a certes fait deux bêtises en début d’année mais les gens ont tendance à rapidement oublier qu’il n’a pas d’expérience et qu’il est encore un débutant. Courir au beau milieu d’un peloton n’est pas la même chose que signer un tour rapide en qualifications. Mais avec cette formidable deuxième place au Canada, je pense que les choses se présentent assez bien pour lui pour la suite de la saison. On est contents de lui. »

Vous attendiez-vous à un tel impact médiatique en signant Kimi Räikkönen ?

« Non. Ce fut incroyable. C’est toujours hallucinant d’ailleurs ! On l’a vraiment pris pour son talent. On ne savait pas que cela allait susciter un tel buzz. Honnêtement, pour être franc avec vous, je pensais plutôt que cela allait être le contraire et nous desservir, que le buzz serait négatif. Mais sa venue s’est avérée être quelque chose de très positif à tous les niveaux pour notre écurie. »

Êtes-vous confiant pour la suite de la saison de Lotus ?

« Oui, je suis assez confiant, on peut espérer une victoire. Je ne pense pas que l’on chutera en performance comme l’an dernier. En 2011, on a perdu en rapidité car on ne pouvait plus développer la voiture comme nous le voulions, le châssis ne pouvait plus être modifié, c’était un réel problème. Je suis certain que cela n’arrivera pas cette année. On a conçu une voiture qui est beaucoup plus normale. Si nos deux pilotes continuent à rentrer dans le top 5 à quasiment toutes les courses, même si on ne gagne pas de Grand Prix cette année, je suis sûr que l’on sera très bien placés au championnat à la fin de la saison. »

Qu’en est-il du futur de Jérôme D’Ambrosio ? Disputera-t-il des séances d’essais libres cette saison comme cela avait été convenu lors de sa venue chez Lotus ?

« Je pense que l’on va le voir en essais libres le vendredi matin, effectivement. Il n’y a encore rien de précis, pas même pour Spa-Francorchamps, mais je pense qu’il prendra quelques fois la piste en essais libres. De toute façon, on a des idées pour l’année prochaine pour la suite de sa carrière en Formule 1. »

Quel regard portez-vous sur la future introduction en bourse de la Formule 1 ?

« Tout prend des proportions beaucoup plus médiatisées en F1 et souvent à géométrie variable en termes d’intérêts. CVC disposait de deux options pour obtenir un retour sur l’investissement qu’ils avaient engagé en Formule 1 : soit vendre leurs parts de gré à gré à un autre fonds d’investissement ou à un autre investisseur intéressé, soit introduire le championnat en bourse pour vendre la F1 au grand public, même si le terme ‘grand public’ est un bien grand mot… CVC a décidé de suivre les deux routes, c’est aussi simple que ça. C’est ce qu’il se passe habituellement quand on décide d’aller en bourse, on ouvre une partie du capital à des investisseurs privés. Cela permet de donner une valeur au championnat avant son entrée en bourse et d’éviter de prendre des risques au cas où l’entrée ne se fait pas. C’est ce que CVC a fait. Ils ont vendu une partie de leur participation dans la Formule 1, ce qui leur a permis de récupérer une grosse partie de leur investissement de départ, et ils gagneront encore davantage d’argent avec cette entrée en bourse. »

Est-ce une valeur sûre d’investir en Formule 1 ?

« On ne peut pas dire que le championnat est mal géré quand on regarde un peu tout ce qu’il se passe, mais je pense qu’il y a encore de nombreux marchés à conquérir, dont la Chine. Même si la Formule 1 y est déjà présente dans ce dernier pays, le sport ne s’y est pas encore réellement développé. Si le gestionnaire du sport utilise les opportunités qui s’offrent à lui dans le futur, je pense qu’investir en F1 n’est pas un mauvais investissement. Ce sport a encore énormément de potentiel et, si ce potentiel est utilisé, tout un autre monde s’ouvrira alors à lui. La plupart des gens qui dépensent encore de l’argent en Formule 1 viennent d’Europe, et pourtant ce n’est plus ce continent qui génère de la croissance à travers le monde. Il y a donc encore énormément d’opportunités qui s’offrent à la F1 si elle parvient à les saisir. »

Notamment l’opportunité d’obliger les passionnés à s’abonner à une chaîne payante pour voir la Formule 1, comme au Royaume-Uni cette année et en Italie à partir de l’an prochain…

« Le problème vient des chaînes gratuites qui n’ont tout simplement pas réussi à créer les programmes autour de la F1 pour gagner de l’argent. C’est aussi simple que ça. Si une chaîne privée et cryptée est capable de dépenser autant d’argent que Sky, c’est parce qu’elle espère en gagner plus. Si les autres chaînes n’en ont pas été capables, c’est qu’il y a un problème dans leur modèle. Après, pour le passionné, c’est sûr que c’est mieux de ne pas payer que de payer, c’est une évidence même, mais la qualité est souvent meilleure avec une chaîne payante. Mais encore une fois, le problème vient des chaînes qui n’ont pas racheté les droits, notamment car leur modèle économique ne tenait pas la route. »

Est-ce la direction future pour voir la Formule 1 à la télévision, le tout payant ?

« Oui et non. Il y a par exemple tout le canal internet qui sera payant à un moment donné quant il sera mieux exploité. Après, il y a le fameux modèle du premium, qui est de donner une partie gratuite et une partie payante avec un contenu qualitatif plus important. Cela n’a pas encore été testé mais je ne vois pas pourquoi cela ne marcherait pas, puisque ça fonctionne bien ailleurs. On oublie que la F1 dispose d’une richesse énorme au niveau de son contenu. Une richesse encore inexploitée… »

La F1 suit-elle la direction prise par le football ?

« Non, pas vraiment. Le football n’est pas encore parvenu à percer sur internet. Pour être franc, leur utilisation d’internet est même nulle jusqu’à présent. Peut-être que la Formule 1 se rapproche du football au niveau de la retransmission payante à la télévision, mais pour le reste le foot n’est pas un exemple de réussite, surtout sur les nouveaux médias. La F1 n’a même pas encore essayé d’utiliser internet et les nouveaux médias comme source de revenus… »

Pourquoi introduire la F1 à la bourse de Singapour et non sur une place boursière européenne ?

« C’est une bourse très intéressante qui s’intéresse beaucoup aux valeurs alternatives ainsi qu’aux valeurs sportives. Manchester United a été intéressé à y aller, ainsi que d’autres équipes. En plus, cela permet de s’ouvrir à l’Asie. »

Cela permet aussi de ne pas dévoiler le contenu des Accords Concorde…

« Il n’y a pas une bourse au monde qui oblige une société à dévoiler le contenu de contrats commerciaux. Tout ce qu’on doit dévoiler, c’est la situation financière, le bilan de l’entreprise et la vente d’actions des personnes impliquées dans le management de l’entreprise ainsi que la vente d’actions des gros actionnaires. N’importe quelle bourse au monde ne force pas à dévoiler le contenu des contrats commerciaux. »

Ne manquez pas de vous procurer le prochain numéro de F1i Magazine, disponible en kiosque en fin de semaine prochaine, pour y découvrir un portrait exclusif de Gérard Lopez sur son parcours d’homme d’affaires depuis ses débuts à l’université.

Réagir à cet article