Comment aborder un circuit sur lequel on n’a jamais couru ? Comment bien régler sa monoplace sans partir des réglages antérieurs ? Étant donné que le temps de roulage est limité, les ingénieurs doivent débarquer au Texas avec une base de réglages prédéfinie.

Afin de dégrossir les réglages qui seront retenus sur le circuit d’Austin pour le Grand Prix des États-Unis dimanche prochain, les écuries ont donc utilisé leur simulateur, en se fondant sur une carte de la piste la plus détaillée possible, notamment pour le relief :

“Afin de déterminer les réglages et le niveau d’appui requis, nous avons travaillé à partir d’une carte détaillée pour mener les calculs relatifs aux virages, explique Nikolas Tombazis, l’aérodynamicien en chef de la Scuderia. Ce travail de simulation nous permet de prévoir comment la voiture va se comporter en chaque endroit du circuit et de définir une bonne base de réglages. Bien sûr, une fois que nous serons sur place, certains éléments constitueront une surprise et devront être analysés, alors que d’autres ne demanderont qu’à être affinés, mais l’essentiel est fait.”

Un simulateur se compose d’un cockpit entouré d’écrans qui diffusent, à 180° et en 3D, ce qu’un pilote voit depuis la monoplace (y compris dans ses rétroviseurs), c’est-à-dire non seulement la piste, mais aussi le paysage environnant, avec la possibilité de paramétrer notamment la position du soleil (et donc les zones d’ombres en essais, en course), la température de l’air et de la piste, la direction du vent, etc. Le cockpit, identique en tout point à celui du châssis utilisé en Grand Prix, est monté sur des vérins pneumatiques qui reproduisent les mouvements de la caisse, les vibrations, bref tout ce qu’un pilote peut ressentir au volant.

Le simulateur de Ferrari, dont la plate-forme pèse environ deux tonnes, est installé à Maranello dans un bâtiment séparé de 180 mètres carrés sur deux étages.

Schématiquement, un simulateur combine trois paramètres : le circuit virtuel, la monoplace virtuelle et le pilote réel. “La simulation confronte le modèle virtuel représentant le circuit et le modèle reproduisant la voiture, explique notre consultant Jacky Eeckelaert. Créer un circuit virtuel est assez compliqué, car les écuries ont besoin de quelque chose de plus précis qu’un simple plan du tracé. Elles font donc appel à une société spécialisée, qui va scanner le circuit en prenant des photos depuis un hélicoptère avec un laser. Avec ces données, les ingénieurs disposent d’infos sur les vibreurs, les bosses. Ils possèdent aussi des renseignements sur la granulométrie, car Pirelli se rend sur les circuits pour prendre des empreintes du bitume en entrée, en milieu et en sortie de virage. Avec tout ça, on obtient un fichier informatique du circuit – énorme bien entendu !”

Deuxième composante : le modèle numérique simulant la voiture, qui comprend la suspension, l’aérodynamique, les pneumatiques… “On commence par faire rouler la voiture virtuelle sur ce modèle mathématique, poursuit Jacky, pour calculer quels sont les bons rapports de boîte, la charge aéro optimale, les meilleurs réglages de suspension. Dans cette première simulation, réalisée sur ordinateur et avec un pilote virtuel, les ingénieurs optimisent chacun des paramètres petit à petit et, grâce à ces données, ils ne peuvent pas se tromper sur la bonne hauteur de caisse ou les bons réglages moteur.”

La semaine passée Fernando Alonso a posté sur son compte Twitter cette image depuis le simulateur de Maranello.

Ensuite, les ingénieurs confrontent cette mise au point affinée avec le modèle circuit, mais en remplaçant le pilote numérique par un pilote réel, troisième composante. Car en simulation, le plus difficile à modéliser, c’est l’humain ! “En effet, confirme Eeckelaert, on arrive à reproduire correctement le circuit et la voiture, mais pas vraiment l’homme. Dans les ordinateurs, le pilote numérique réagit sans temps de réaction, ce qui fait qu’on aboutit toujours à un set-up inconduisible, à des réglages très éloignés de ce qu’il faut dans la réalité. L’ordinateur va toujours passer, alors qu’un pilote peut sortir de la piste à cause de ses réactions plus lentes. Un pilote virtuel, c’est basique : en entrée, on a les yeux, les sensations et en sortie une pression sur l’accélérateur et des mouvements de volant. Or un humain, ce n’est pas un robot, c’est plus compliqué ! Il faut tenir compte de son mental, de sa réactivité, etc. C’est pour cela qu’on se sert du simulateur. On dégrossit les réglages avec la première simulation, mais pour les optimiser, on doit passer à un simulateur avec pilote réel.”

Un simulateur sert donc moins à former le pilote qu’à affiner la mise au point de la voiture. Si c’est d’ordinaire le pilote de développement qui se charge de dégrossir les réglages pour un circuit connu, le rôle des titulaires est plus important lorsqu’il s’agit d’un nouveau circuit, comme dans le cas d’Austin. Pour assimiler le tracé américain, Fernando Alonso a ainsi passé quelques heures dans le simulateur de l’équipe, fruit d’un partenariat avec la firme américaine Moog, dont les clients habituels sont l’armée, les agences spatiales et les constructeurs aéronautiques ! En action, la machine, digne de Star Wars, est réellement impressionnante (voir la vidéo ci-dessous).

Quant aux écuries qui n’ont pas les moyens de construire leur propre jouet électronique, comme Sauber ou Force India, elles se tournent vers des simulateurs indépendants, qui se louent à la journée (environ 7500 dollars). Marussia, elle, a passé un accord avec McLaren pour permettre à Charles Pic et Timo Glock d’utiliser les installations ultramodernes de Woking.

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