Alors que depuis 2010, Red Bull, McLaren et Ferrari se partagent les lauriers de la victoire, Mercedes et Williams leur ont brulé la politesse en Chine et en Espagne. Et au dernier Grand Prix du Canada, la présence de Romain Grosjean (Lotus) et de Sergio Pérez (Sauber) sur le podium a prouvé que les écuries de milieu de tableau sont désormais capables de décrocher un bon résultat au nez et à la barbe des top teams…

Cela voudrait-il dire que la saison 2012, avec ses sept vainqueurs différents en sept Grands Prix, est devenue une loterie ?

Ce n’est pas l’avis de Christian Horner, le patron de Red Bull : “Le mot ‘loterie’ est trop fort. La compétition est devenue très complexe, et stratégiquement, il est difficile d’y voir clair. On essaie de se faire une opinion en se basant sur les données de sa propre voiture et des autres informations qu’on peut recueillir.”

La raison pour laquelle les Grands Prix sont devenus plus difficiles à gérer pour les équipes de pointe est le considérable resserrement des forces qui s’est opéré par rapport à l’an passé. A Montréal, Pérez a ainsi pu monter sur le podium car il n’était pas loin du peloton de tête : son déficit en vitesse n’était que de 1,45% (selon les chiffres de notre confrère d’Autosport Gary Anderson) alors qu’il s’élevait à 2,67% un an plus tôt…

Ce rapprochement des forces en présence se confirme quand on compare l’écart moyen couvrant les dix premières voitures en 2011 et en 2012 :

On le voit, pour chaque Grand Prix, les bandes rouges (représentant l’écart de temps séparant les dix premières voitures en 2012) indiquent toutes des intervalles plus petits que les bandes noires (écart 2011).

Avec des écarts aussi faibles, les écuries du haut de tableau ne disposent plus de la même marge d’erreur qu’auparavant, qui leur permettait de rester devant même en commettant l’une ou l’autre erreur stratégique (en évaluant mal l’usure des pneus) ou opérationnelle (en effectuant des arrêts au stand imparfaits). Ce sont toujours les meilleurs qui s’imposent, mais ceux-ci ne sont plus toujours les mêmes.

Les pneus sont souvent cités comme le facteur qui contribue le plus à l’imprévisibilité des courses, mais Paul Hembery, le directeur de Pirelli Motorsport, ne partage pas cette analyse : “Nous essayons d’expliquer aux gens qu’avec des écarts si faibles entre les voitures, la moindre petite erreur prend une ampleur énorme. Les saisons précédentes, vous pouviez avoir un écart de deux à trois dixièmes sans perdre beaucoup de places, alors que maintenant, avec le même écart, vous pouvez passer de la première à la huitième position. Il est donc logique que les gens parlent davantage des pneus, parce qu’ils peuvent créer cet écart de deux ou trois dixièmes, qui a une incidence beaucoup plus grande qu’auparavant. C’est pour cela que je parlerais davantage de compétitivité que d’imprévisibilité.”

Si l’on y regarde de plus près (vous trouverez une analyse détaillée dans le prochain numéro de F1iMagazine), l’interdiction des diffuseurs soufflés a certes favorisé le resserrement des forces (en privant Red Bull de son point fort), mais elle a aussi produit des monoplaces générant beaucoup moins d’appui à l’arrière. Or une baisse de la charge aérodynamique sur les roues arrère amplifie le survirage et le patinage, qui accentuent à leur tour la dégradation des pneumatiques… Trouver des réglages adaptés aux pneus avant et arrière est donc devenu plus compliqué, car s’il y a moins d’appui à l’arrière, le règlement impose toujours la même répartition des masses. Comme les écuries ne peuvent plus jouer avec le lest, la mise au point s’avère ardue.

Etant donné que les règles du jeu sont les mêmes pour toutes les écuries, ce sont toujours celles qui les exploitent au mieux qui tirent leur épingle du jeu…

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