En exclusivité pour F1i, l’ingénieur Jacky Eeckelaert, qui a travaillé pour les écuries Jordan, Prost GP, Sauber, Honda et dernièrement HRT (avant de rejoindre cette année le championnat du monde FIA d’endurance) vous livre son avis d’expert sur les Grands Prix.

Aujourd’hui, il revient pour nous sur le Grand Prix de Singapour, remporté par Sebastian Vettel.

Hiérarchie technique vs opportunisme

“Le championnat avançant, on s’aperçoit que des paramètres ‘extérieurs’ commencent à entrer en ligne de compte. La fiabilité, d’abord, avec l’abandon d’Hamilton et le retrait des deux Williams ; les incidents de course, ensuite, qui ont provoqué l’entrée en piste de la voiture de sécurité à deux reprises. Cela dit, en performances pures, c’est bien McLaren qui domine. La MP4/27 est la voiture à battre (quatre poles et trois victoires lors des quatre dernières courses), mais elle est fragile. Derrière, Red Bull n’est pas loin, sans que sa fiabilité soit exemplaire. Et en troisième position, Ferrari compense son manque de vitesse pure par une robustesse remarquable.

En profitant des défaillances de ses adversaires directs (comme on le voit sur le tableau ci-dessous, Vettel a raté les points à trois reprises, Hamilton en quatre occasions) ou indirects (abandons de Button à Monza et de Maldonado à Singapour), Alonso parvient, avec un peu de chance, c’est vrai, à dominer des monoplaces intrinsèquement plus rapides que la sienne. La F2012 est à la peine : Fernando n’a plus mené le moindre tour depuis le Grand Prix d’Allemagne. J’ai d’ailleurs noté que parmi les dix pilotes (de sept écuries différentes) qui ont signé le record du tour cette saison, aucun ne pilotait une Ferrari. Autre preuve du poids de la fiabilité : à Singapour, seules Lotus, Ferrari et Red Bull ont placé leurs deux voitures dans les points.”

Attention, talent !

“Derrière le combat des chefs, on voit de jeunes talents émerger. Après Pérez à Monza, c’est Paul Di Resta qui s’est illustré dans la nuit de Singapour. Terminer quatrième juste derrière la Ferrari au volant de la Force India est une solide performance. D’accord, la voiture est rapide, mais elle est pilotée par deux garçons bourrés de talent (Hulkenberg, qui signe le meilleur tour en course, aurait d’ailleurs dû finir dans les points s’il n’avait eu un contact avec une Sauber). Là où un Maldonado réalise des performances en dents de scie, Di Resta reste à la fois constant et rapide. Pour moi, il est assez mûr (sa carrière est déjà longue, notamment en DTM) pour rejoindre un top team, au cas où une place se libérerait chez Mercedes ou McLaren.”

Le retour de Seb

“En s’imposant à Singapour, grâce à l’abandon d’Hamilton, Vettel se relance dans la course au titre, puisqu’il n’a plus que 29 points de retard sur Alonso. Ce qui n’est pas grand-chose si on se souvient qu’en 2010, il accusait un déficit de 25 points à deux Grands Prix de la fin et qu’il est malgré tout devenu champion… Sa victoire, qui met un terme à une série de neuf course sans succès (il n’avait jamais connu ça depuis 2008), vient à point nommé et marque peut-être un tournant dans la saison. Sebastian est en effet capable de remontées phénoménales et Red Bull a déjà montré que son rythme de développement pouvait être plus rapide que celui de ses concurrents en fin de campagne. Ce 23ème triomphe le fait entrer parmi les dix pilotes les plus victorieux de l’histoire de la F1, à égalité avec Nelson Piquet, triple Champion du monde. Un signe annonciateur ?”

Mercedes et Lotus en retrait

“Vous avez remarqué ? Le chrono de la pole de Lewis est plus lent de quasiment deux secondes par rapport à celui de l’année passée… Si quelques changements mineurs ont été apportés au circuit, c’est l’interdiction des diffuseurs soufflés qui explique surtout ce recul. Les ingénieurs ont tenté de compenser cette perte en se servant du flux d’air courant sur les pontons pour dévier les gaz d’échappement et alimenter le diffuseur. A Singapour, Mercedes a enfin suivi la voie tracée par McLaren puis Red Bull, Sauber et Ferrari en adoptant un dessin en gouttière qui canalise les gaz d’échappement. Mais, franchement, on n’a pas vu de grands progrès, puisque les Flèches d’argent se sont fait battre par leur deux clients, McLaren et Force India (Rosberg a terminé derrière Button et Di Resta). Quant à Lotus, qui n’exploite pas l’effet Coanda pour diriger les gaz, elle me semble marquer le pas en développement. Depuis trois courses, elle perd le contact avec les formations de pointe, ce qui ne fait pas les affaires de Kimi au championnat.”

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