En exclusivité pour F1i, l’ingénieur Jacky Eeckelaert, qui a travaillé pour les écuries Jordan, Prost GP, Sauber, Honda et dernièrement HRT (avant de rejoindre cette année le championnat du monde FIA d’endurance) vous livre son avis d’expert sur les Grands Prix.

Aujourd’hui, il revient pour nous sur le Grand Prix d’Allemagne, remporté pour la troisième fois par Fernando Alonso.

Alonso : le matador

“Ce n’est pas un hasard si c’est Fernando Alonso qui est le premier pilote à remporter trois courses cette saison. Il répond toujours présent, n’a jamais un jour ‘sans’ et ne commet aucune faute. Dimanche, son avance n’a jamais dépassé les deux secondes et demie, il a toujours été sous la menace de Vettel puis Button, mais il n’a jamais craqué. La Ferrari a aussi progressé, dans l’exploitation des Pirelli, puisque cette fois-ci, contrairement à Silverstone et Montréal, la F2012 ne s’est pas écroulée en fin de Grand Prix pour cause de pneumatiques usés jusqu’à la corde. Cela dit, je le crois quand il dit que la Ferrari n’est pas la meilleure machine du paddock. Les écarts restent en effet incroyablement serrés : s’il y avait une différence d’un dixième en performance entre les voitures de tête, on aurait un écart final de 6,7 secondes (puisqu’il y a 67 tours à Hockenheim). Or, on a la moitié en réalité : Alonso, Button et Vettel (avant sa disqualification) se tiennent en à peine 3”732 secondes. Sans oublier le fait qu’on a cinq châssis différents aux cinq premières places (Ferrari, McLaren, Lotus, Sauber et Red Bull).

Qu’Alonso soit le premier pilote à occuper la tête du championnat pendant plus de deux courses est significatif. On l’a déjà dit ici : le règlement actuel met en valeur la qualité du pilotage en diminuant l’importance de la voiture dans la performance globale. Les textes sont devenus plus stricts, ils encadrent tous les domaines de la voiture, rendant les châssis plus proches les uns des autres. Par conséquent, c’est l’exploitation de la monoplace et le pilotage qui reprennent de l’importance.”

Kimi et Sergio, deux “remonteurs” hors pair

“Räikkönen et Pérez ont effectué deux très belles remontées. Sergio est parti 17ème et a terminé 6ème, malgré un premier arrêt au stand anticipé. Il a donc gagné onze places, alors que son équipier a lui aussi fait une belle remontée (de la 12ème à la 4ème place finale). Sur les quatre derniers Grands Prix, c’est la troisième fois que Pérez finit dans les points, alors qu’il est toujours parti de la 15ème position (Canada, Europe, Angleterre) ou de la 17ème (comme dimanche). Pas mal, non ?

Quant à Kimi, plus que son podium (obtenu après la pénalité infligée à Vettel), c’est son rythme extrêmement solide qui m’a impressionné. Sur la ligne d’arrivée, il n’accuse que 16 secondes de retard sur Alonso, ce qui signifie qu’il ne perdait que deux à trois dixièmes par tour sur les meilleurs, alors qu’il souffrait pourtant du handicap de partir de la dixième place (ce qui coûte toujours du temps). Il a effectué quelques beaux dépassements sur des ‘clients’ (Di Resta, Hülkenberg, Schumacher), toujours très proprement. Je me rappelle l’avoir vu courir en karting à Monaco quand il était tout jeune. A cause d’un souci mécanique, Kimi était parti dernier et était remonté jusqu’à la deuxième place sur une piste très sinueuse. Il avait donc dépassé un paquet d’adversaires. J’avais été voir son kart après la course et il n’y avait aucune trace de pneus sur les flancs, ce qui signifie qu’il n’avait touché personne. Kimi pilote très proprement, comme Alonso, là où Vettel ou Hamilton me semblent parfois s’énerver plus vite… C’est quand même son quatrième podium de l’année, alors qu’il s’est toujours élancé en dehors du top 3.”

L’énigme Mercedes

“A domicile, sous les yeux du directoire de Stuttgart, les Mercedes n’ont pas vraiment été des ‘flèches’. Qualifié troisième, Schumacher termine septième, alors que Rosberg (21ème) remonte jusqu’à la dixième place. Franchement, c’est décevant, sans doute que la stratégie à trois arrêts n’était pas la meilleure. Quoi qu’il en soit, Sauber n’est plus qu’à vingt-cinq petits points, alors qu’elle a des moyens beaucoup plus limités, grâce à un beau résultat d’équipe (c’est d’ailleurs aussi une belle performance collective qui explique la première place de Red Bull au classement des constructeurs).

L’autre déception, c’est Toro Rosso, qui n’a inscrit jusqu’à présent que six points, alors que Force India en a marqué quarante de plus. Certes, leurs deux pilotes sont des novices, mais ça n’explique pas tout. Soit la voiture a un loup (qui n’est pas apparu lors des premières courses), soit elle n’est pas parfaitement exploitée – c’est difficile à dire. Les rumeurs sur le départ de Giorgio Ascanelli et son possible remplacement par James Key – le père de la Sauber de cette saison – ne sont sans doute pas un hasard.”

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