Entre Mark Webber et Daniel Ricciardo, rien de vraiment commun. D’un côté, un vétéran de 35 ans, avec pas moins de 176 Grands Prix au compteur, ainsi que 7 victoires et 9 pole positions. De l’autre, un gamin au sourire Pepsodent de 22 ans, ayant disputé à peine 11 Grands Prix et dont le meilleur résultat est une dix-huitième place. Difficile de trouver plus différents. Sauf que les deux pilotes sont australiens (la dernière fois que la F1 a accueilli deux “Aussies”, c’était en 1990, avec les frères David et Gary Brabham) et que leurs parcours présentent dès lors plus de similitudes qu’on pourrait le croire. Sans oublier que l’un succédera peut-être à l’autre chez Red Bull…

Car se retrouver en Grand Prix en étant né dans les Antipodes signifie que l’on a parcouru un sacré bout de chemin. Si Webber a dû quitter l’Australie à 18 ans pour disputer le championnat britannique de Formule Ford, son benjamin a pareillement dû s’exiler : “Bien sûr Jack Brabham et Alan Jones ont ouvert des portes, explique Mark, mais ça reste difficile de percer. Il n’y a pas d’opportunités en monoplace, il faut donc partir. Le sport auto est cher, mais il l’est encore plus quand vous devez vous exiler de l’autre côté de la planète. Financièrement, et même émotionnellement, c’est dur.” Le pilote Toro Rosso 2012 confirme : “Quitter la maison à 17 ans et parcourir le monde n’est pas facile, comme Mark l’a dit. On a d’abord le mal du pays, puis on commence à s’habituer et comme on fait quelque chose qu’on aime, on oublie les choses qui nous manquent.”

LA F1 LA NUIT

Décalage horaire oblige, les hommes du pays des kangourous ont tous deux découvert la F1 à la télévision très tard le soir : “Regarder la F1 était une religion à la maison, raconte Mark. Je ne ratais jamais un Grand Prix ni les 500 Miles. Mon père s’endormait et ronflait la plupart du temps, mais, moi, j’arrivais à rester éveiller même si je luttais pendant les coupures publicitaires. J’enregistrais souvent les courses et les regardais à nouveau avec un pot de glace après l’école. J’ennuyais mes camarades en les invitant à venir voir la course alors qu’ils préféraient jouer dehors… Mais c’était ma passion ! Je n’oublierai jamais la nuit où Senna est mort. Je suis allé dormir en pensant que c’était un accident de plus, mais quand ma mère est venue me réveiller, elle m’a appris qu’il était mort. Je ne l’ai pas crue. Je ne voulais pas y croire.”

“J’avais à peine 5 ans quand ça s’est passé, complète Daniel, mais j’ai vécu la même expérience que Mark. Ma mère m’a appris la mauvaise nouvelle le lundi matin. Mon père était un grand fan… A part ça, je conserve d’excellents souvenirs de ces soirées passées à regarder les courses la nuit. Je n’avais pas de réveil, mais j’étais assez bon pour me réveiller juste avant le départ. Je tambourinais à la porte de la chambre des parents jusqu’à ce qu’ils allument la télé. Les soirs où je n’y arrivais pas, j’enregistrais le Grand Prix et je passais ensuite la journée entière à me boucher les oreilles à l’école pour ne pas entendre les résultats !”

GUERRE DE SUCCESSION

Proches, les deux compatriotes sont toutefois en concurrence dans l’univers impitoyable de Red Bull. Si l’un des pilotes de l’écurie “fille” Toro Rosso, Ricciardo ou Vergne, prend l’ascendant sur l’autre, le baquet de la Red Bull pourrait lui échoir l’an prochain… La saison qui s’ouvre serait alors la dernière en F1 pour Webber, seul pilote Red Bull à n’être pas sorti du programme de détection dirigé par l’influent Dr Marko… A 35 ans, le coéquipier de Sebastian Vettel n’est pas assuré de voir son contrat prolongé si jamais son concitoyen fait des étincelles sur la piste. Pour autant, l’intéressé ne se laisse pas perturber : “Tant que j’aurai le feu sacré et que les résultats suivront, je continuerai. J’adore voir les gars travailler à l’usine et être celui qui va concrétiser leurs efforts sur la piste. C’est une responsabilité dont je suis fier. Cela dit, j’ai été le seul Australien en F1 pendant ces dix dernières années, et donc quand un jeune compatriote débarque, il est logique qu’on fasse des comparaisons et qu’il y ait même des hypothèses qu’il me succédera quand je raccrocherai. Peut-être que cela se passera comme ça, peut-être qu’on se côtoiera pendant deux, trois saisons… Tout est ouvert.”

Reste qu’à Melbourne (plus proche de Queanbeyan, fief de Webber, que de Perth, à l’ouest, d’où vient Ricciardo), l’un et l’autre voudront briller à domicile et convaincre le public australien… et le management de Red Bull. La guerre de succession est lancée !

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