La performance des Lotus à Bahreïn dimanche dernier s’est construite durant tout le week-end, dès le vendredi. Alan Permane, le directeur des opérations de l’équipe (ci-dessus), revient sur les coulisses du double podium des noir et or à Bahreïn.

Vendredi : “Ça semble presque trop bien”

Le premier jour de roulage revêt une importance cruciale pour l’écurie d’Enstone, car il doit permettre de réévaluer les évolutions introduites en Chine sans succès et de tester un nouveau fond plat sur la E20. C’est Kimi Räikkönen qui teste en primeur le nouveau soubassement : “Le vendredi, nous avons passé en revue les nouveautés aérodynamiques qui n’avaient pas marché à Shanghai, explique Alan Permane. Nous avons regardé les choses de plus près, autrement. Avec le nouveau fond plat, Kimi était nettement plus rapide que Romain, qui avait gardé l’ancien. Pour nous, c’était le premier indice que les évolutions fonctionnaient plutôt bien. L’après-midi, nous avons roulé avec beaucoup d’essence… et nous avons été surpris par nos bons chronos. Ça semblait même presque trop bien, on s’est dit qu’on n’avait pas assez rempli le réservoir par rapport à nos adversaires ! Nous avons donc refait nos calculs, en prenant comme référence les temps de la Mercedes la plus rapide, qui est très bonne sur les longs relais. Et nous avons compris que nous étions vraiment bien.”

Samedi : Une décision difficile

Le lendemain, l’écurie monte le nouveau fond plat sur la voiture de Romain Grosjean. Le Français note immédiatement une amélioration et semble même en tirer un meilleur profit que son voisin de garage : “De vendredi à samedi, Romain est passé de trois dixièmes de retard sur Kimi à trois, quatre dixièmes devant lui. En Q1, nous étions rapides avec les médiums, mais nous souffrions beaucoup, vraiment beaucoup, avec les tendres. En Q2, nous avons donc décidé de faire ressortir Romain, quitte à utiliser un train de pneus neufs, en vue de sécuriser une place en Q3. Pour Kimi, ça été plus compliqué. On pensait qu’il avait une chance d’aller en Q3 sans ressortir, même s’il était moins vite que Romain avec le nouveau fond plat. Au pire, si ça ne passait pas, s’il terminait onzième avec deux trains de tendres neufs et deux trains de médiums neufs, il avait encore une très belle carte à jouer vu la dégradation des gommes à Bahreïn.”

C’est Permane qui a tenté le pari de faire rester Räikkönen dans les stands : “Kimi était assis dans la voiture, prêt à partir, mais je lui ai dit : ‘Non, on ne va pas sortir.’ C’était une décision très, très difficile à prendre. J’ai pensé : ‘Faisons comme ça, et on verra bien ce qui se passera.’ Au final, ça n’a pas marché, Kimi n’est pas arrivé en Q3. Mais franchement, je n’étais pas mécontent de cette onzième position. Bon, bien sûr, quand il est sorti de la voiture, Kimi a quand même dit que nous aurions peut-être dû faire autrement… Mais on a discuté avec lui, en lui expliquant que si notre vitesse de vendredi était réelle, alors nous avions des chances de nous battre devant le lendemain.”

Dimanche : Ne pas tenter le diable

Après un excellent départ (il double Ricciardo, Rosberg, Pérez et di Resta), Räikkönen reste bloqué derrière la Ferrari de Massa durant les premières boucles, le double mais perd un temps précieux. Ses Pirelli frais lui permettent toutefois de rester en piste plus longtemps que ses adversaires. Quand il s’arrête au onzième tour, il chausse des tendres neufs : “Le plan avec Kimi était de faire deux relais assez brefs en tendres pour gagner des places, mais c’est plutôt sur la piste que nous sommes remontés dans la hiérarchie. D’ailleurs, quand voit qu’avec ses médiums neufs (après son deuxième arrêt), Kimi était plus rapide que Vettel, cela prouve que notre vitesse est également due à la voiture.”

Revenu dans les échappements de la Red Bull, le Finlandais ne parvient pas à la dépasser, malgré l’avantage donné par le DRS. “Il faut être plus rapide d’une seconde au tour pour pouvoir doubler avec le DRS, nuance Permane. On se trompe en croyant que le système permet de doubler un concurrent automatiquement. Nous étions peut-être plus rapides que Vettel d’un ou deux dixièmes, mais n’étions pas massivement plus ‘vite’ que lui. On a pensé arrêter Kimi plus tôt que Sebastian, mais j’avais encore en tête ce qui s’était passé en Chine quand nous avions stoppé trop tôt. Je me suis dit : ‘Ne jouons pas avec le feu.’ A partir de là, c’était cuit, même si nous avons repris espoir quand nous avons vu Vettel taper dans ses gommes après son arrêt. Malheureusement pour nous, il a su les préserver. Ce n’est pas simple de battre ces gars-là !”

Après trois premiers Grands Prix prometteurs mais sans gros points, il devenait urgent pour Lotus de prouver la compétitivité de la E20 : “Exact. Avoir mis deux voitures sur le podium est un soulagement. Personne ne vous croit quand vous dites : ‘Ça vient, ça vient.’ Maintenant, c’est chose faite. Cela nous donne confiance et nous persuade que nous pouvons faire de bonnes choses cette saison.”

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