Par leurs fonctions relationnelle et communicative, les réseaux sociaux se prêtent bien au partage de la passion sportive et à la construction, voire la “co-construction”, des connaissances autour des différentes disciplines.

Sur un réseau social généraliste comme Facebook, qui approche du milliard d’utilisateurs de par le monde, toutes les équipes de Formule 1 disposent de leur page officielle. Elle leur permet de maintenir un contact permanent avec leurs nombreux supporters par la publication de nouvelles, de photos, de vidéos et de liens.

Grâce à sa popularité, un réseau social tel que Facebook permet une communication efficace et contribue à renforcer l’esprit d’appartenance à une communauté, en l’occurrence celle incarnée par chaque écurie. La qualité de la page n’est atteignable que si une stratégie de communication est clairement définie et mise en place. Pour apprécier la qualité de son utilisation, il ne s’agit pas d’accumuler les “likes”. Si la taille de la page est naturellement importante, la fréquence des publications, l’authenticité, la qualité et la quantité des interactions ou encore la qualité et la variété des contenus publiés le sont tout autant.

Voilà pour la théorie, mais la pratique est bien différente… Pour un sport aussi avancé que la Formule 1, on ne peut que regretter qu’une écurie seulement dispose réellement d’une stratégie de communication dans l’utilisation des réseaux sociaux, en premier lieu Facebook. Et c’est le Lotus F1 Team, avec – cocorico ! – le Français Stéphane Samson à la communication et au marketing, qui fait figure d’exemple.

Il y a 18 mois, l’équipe a décidé d’opérer sa révolution culturelle, nous explique Samson. Alors qu’elle opérait comme la plupart de ses rivales, avec un service de communication tourné à 80% vers la relation avec les médias, nous avons fait voler le schéma traditionnel en éclats et avons décidé de nous concentrer sur quatre cibles, à importance identique : les médias, l’interne, les partenaires et les fans. Pour cette dernière catégorie, l’utilisation des réseaux sociaux est devenue une priorité, qui nous sert également aujourd’hui à alimenter les journalistes en information ‘live’ pendant les Grands Prix.

Avec une croissance de 160% sur Twitter (seule Red Bull Racing fait mieux parmi les écuries de pointe) et de 330% sur Facebook (le triple de RBR !) en l’espace d’environ un an, Lotus a atteint son objectif. Les deux tableaux ci-dessous montrent en détail l’évolution sur une année de la popularité des équipes sur Twitter et Facebook :

Comme ces deux tableaux l’illustrent, Lotus n’est pas l’équipe la plus populaire sur Twitter et Facebook. Toutefois, comme nous le mentionnions au début de cette analyse, si la popularité est importante, elle n’est pas un critère essentiel pour juger de la qualité de la page Facebook, pas plus que pour affirmer de l’existence d’une communauté active.

En réalité, à l’exception de l’écurie Lotus, les pages Facebook des équipes disposent de communautés peu ou prou passives. Ceci s’explique par l’absence d’une réelle stratégie de communication et d’une sous-utilisation des pages en question. Pour vérifier que seul le Lotus F1 Team disposait bien d’une communauté active sur le réseau social cofondé par Mark Zuckenberg, nous avons analysé le niveau d’interaction des pages des écuries de F1 au cours de deux week-ends de Grand Prix (du jeudi au dimanche).

Notre analyse s’est limitée aux teams dont la popularité de la page était supérieure à 100.000 “likes” et elle a porté sur les récents Grands Prix d’Europe et de Grande-Bretagne. La fonctionnalité “personnes en parlent” récemment introduite par Facebook offre une certaine indication du niveau d’interaction. Toutefois, elle porte sur une période de sept jours et non sur la période recherchée du jeudi au dimanche d’un Grand Prix. Nous avons donc calculé un coefficient spécifique en totalisant, pour chaque page, les “likes”, commentaires et partages de chaque publication datée entre jeudi et dimanche – en ne tenant pas compte, toutefois, de la publication la plus populaire pour chacune des pages, dans un souci d’atténuer tout pic lié à un résultat exceptionnel (le podium de Michael Schumacher à Valence, par exemple).

En divisant la somme obtenue par le nombre de fans dont dispose la page, nous avons obtenu notre coefficient d’interaction. Il n’est certes pas aussi précis que la fonctionnalité “personnes en parlent”, mais il permet de se faire une bonne idée du niveau d’interactivité de chaque page au cours d’un week-end de Grand Prix. Le tableau ci-dessous est particulièrement révélateur :

Si Lotus n’est pas l’équipe la plus populaire sur Facebook, elle dispose bel et bien d’une communauté active constituée de “vrais” fans à l’inverse des autres écuries (le coefficient de Mercedes pour Valence s’explique par le podium inattendu de Schumacher). C’était l’objectif recherché par Samson et son équipe.

Nous connaissons tous les recettes qui pourraient aujourd’hui faire monter notre équipe au niveau de Red Bull ou Ferrari en valeur absolue, commente Samson. Mais est-ce vraiment important ? Nous avons décidé de ne pas privilégier la politique du chiffre et de nous concentrer sur la construction d’une réelle communauté. Au lieu de compter 500.000 fans moyennement intéressés par ce que nous sommes, nous préférons en compter trois fois moins, mais nous appuyer sur des taux d’interaction qui approchent parfois 20 %. Les fans Lotus F1 Team sur Facebook constituent ainsi une grande famille.

Ceci s’explique, entre autres, par la fréquence des publications ainsi que par la qualité et la variété des contenus publiés. Lotus a ainsi dévoilé le nom de sa nouvelle monoplace et la date de sa présentation par le biais des réseaux sociaux : cela permettait à sa communauté d’avoir accès à ces deux informations au même instant que les journalistes. Plus récemment, à l’occasion du Grand Prix de Monaco, Lotus s’est associée avec “Andry Birds” en offrant une version spéciale du jeu exclusivement disponible sur sa page Facebook durant une période limitée. Avec 7 millions de personnes à y avoir joué, l’opération fut un succès.

L’équipe britannique aurait d’ailleurs pu obliger les utilisateurs de “liker” sa page avant d’accéder à la version spéciale du jeu. Cela lui aurait permis d’engranger au moins deux millions de “likes” et de caracoler en tête en termes de popularité. Toutefois, ces quelques millions de “likes” n’auraient pas été de vrais fans, et c’est toute la communauté du Lotus F1 Team sur Facebook qui en aurait pâti.

Dernièrement, Lotus est également devenue la première équipe de Formule 1 à doter sa page Facebook d’une page d’accueil dynamique. Cette “Welcome Tab” offre un riche contenu rédactionnel et iconographique en se liant directement au site officiel de l’écurie et au compte Twitter. De quoi renforcer l’attractivité de la page, qui prend désormais des airs d’un véritable site Internet.

Pour un sport comme la Formule 1 qui cherche à se rapprocher de ses supporters, après avoir toujours maintenu une certaine distance vis-à-vis de son audience, les réseaux sociaux lui en offrent l’opportunité. Toutefois, faire et souhaiter faire sont deux choses différentes, et pour l’heure seule Lotus a réellement emboîté le pas de la communication 2.0.

Lotus propose désormais une « Welcome Tab » dynamique sur sa page Facebook.

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