Le Grand Prix de Bahreïn est toujours programmé au calendrier du Championnat du monde de Formule 1 dans moins de six semaines (le 22 avril) et les autorités sportives persistent dans leur volonté d’accompagner le pouvoir en place dans ce qu’il faut bien appeler une opération de réhabilitation. Car pour la famille régnante, le Grand Prix fait figure de vitrine pour démontrer au monde extérieur que « le calme règne à Manama » (pour reprendre  l’expression consacrée). Mais la réalité semble plus confuse, tandis que la capitale du Royaume est loin d’être apaisée, comme en témoigne la manifestation monstre qui s’est tenue vendredi 9 mars quand plus de 100.000 personnes ont marché vers la Place de la Perle, cet endroit symbolique où avait eu lieu les premières révoltes l’an dernier et dont le monument a été détruit pour précisément lui retirer cette valeur de symbole. Pour ceux qui doutent de l’importance de la manifestation de vendredi, cette vidéo YouTube parle d’elle-même.

Amnesty International et Human Rights Watch sont formels : si la dynastie sunnite au pouvoir a bien promis de prendre des mesures pour libéraliser le système politique, les manifestants chiites sont toujours violemment réprimés, avec l’usage massif de gaz lacrymogène pour mater la révolte. Des dizaines de victimes ont encore été à déplorer depuis le début de l’année, tandis que les procès annoncés des tortionnaires du printemps 2011 tardent à se mettre sur pied. Les associations humanitaires estiment que la torture continue et que des médecins ou du personnel médical ont été inquiétés pour avoir soigner des insurgés. Quant aux personnes limogées suite aux manifestations, elles n’ont pas toutes été réintégrées – contrairement à ce que le pouvoir avait promis – et celles qui l’ont été font l’objet de pression pour ne plus participer à de nouvelles manifestations.

Certes, l’état d’urgence a été levé, mais peut-on imaginer sérieusement un Grand Prix être organisé dans un pays où les visas journalistiques sont limités et où la sécurité des visiteurs n’est pas assurée ? Comme l’an dernier, le dossier va sans doute rebondir dans les jours et les semaines qui viennent, tandis que le calendrier de la F1 pourrait encore être remanié (théoriquement) pour soi-disant reporter le Grand Prix quand les temps seront meilleurs. En attendant les écuries sont parties pour une tournée de quatre Grands Prix extra-européens en début de saison, mais Bahreïn est heureusement programmé à la fin de cette boucle, ce qui pourrait faciliter le transfert du fret aérien directement de Chine en Europe à la mi-avril sans passer par la case Bahreïn. Le sujet reste tabou dans le paddock et pourtant le calme ne règne pas à Manama.

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