De mémoire d’amateur, jamais montée de Michael Schumacher sur le podium d’arrivée d’une course de Formule 1 n’a fait ressentir au public une si profonde émotion. A force de collectionner les succès et les championnats, il a, bien sûr, suscité de l’admiration. De la lassitude, tout autant. De l’agacement, encore plus. Mais de l’émotion, non.

Avec son regard de conquérant, ses répliques sans éclat, sa démarche de milliardaire en parfaite condition physique, sa manière d’élastifier les points du règlement et, surtout, sa liste de performances inégalées, voilà un coureur qui n’a guère attiré les sympathies de cœur au cours de sa carrière. Jusqu’à cette course de Valence où, à l’âge de 43 ans, deux saisons et demie après son retour, moqué, à la compétition au terme de trois années sabbatiques, il a mené son bolide à la troisième place du palmarès. Avant d’emprunter, en habitué, les voies d’accès filmées réservées aux trois meilleurs pilotes du jour, jusqu’à l’estrade baignée d’hymnes nationaux.

Entre ce dimanche de juin 2012 et celui d’octobre 2006, où il participa à la dernière course de ce que l’on appelle désormais sa première carrière, qu’est-ce qui a changé ? Pas ses colocataires du podium – Alonso et Räikkönen, eux aussi, appartenaient déjà à la première époque. Pas trop son apparence physique non plus : en fin de course, il avait toujours ce teint frais et cet air reposé qui le caractérisaient, même après deux heures de course.  Pas son ambition non plus : il est là pour gagner, il l’a toujours dit. Non, le grand changement, c’était son sourire. De typiquement vainqueur, autrefois, le voilà simplement heureux : touché, pas cinglant ; amusé, pas arrogant ; mûr, pas vieilli ; humble, presque surpris.

Et voilà les amateurs/amatrices de Formule 1 simplement mais profondément contents pour lui. Qu’ils soient Espagnols gonflés de fierté par la victoire de leur héros national, Britanniques déçus par les contre-performances des leurs, trop jeunes pour avoir assisté à la période de gloire du septuple Champion du monde ou trop vieux pour apprécier les exploits automobiles technologiquement assistés. Tous ont souri à la joie enfantine de l’ancien retraité.

Plus que des leçons de conduite ou de comportement, le héros largement couronné, puis regretté, puis déchu, puis remonté, leur a tous donné une leçon de vie, élémentaire mais souvent oubliée : le sport, quel qu’en soit le défi, procure du plaisir ; telle est sa valeur première.

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