Pour optimiser le rendement des V6 turbo hybrides, les motoristes sont obligés de les faire tourner en “mélange pauvre”. Ferrari exploite à cet effet la technologie “Turbulent Jet Ignition”. De quoi s’agit-il ?

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QUELS PARAMÈTRES ?

Pour faire progresser les performances d’un moteur à combustion, on peut jouer sur une multitude de paramètres. Dans l’absolu, du moins, car le règlement technique qui encadre les V6 hybrides interdit de modifier certaines variables.

On pourrait, par exemple, augmenter la masse du mélange air-carburant en améliorant le remplissage de la chambre de combustion. Accroissement possible en théorie, mais pas dans le cadre du règlement actuel, qui fixe des seuils en matière de quantité de carburant (100 kg), de débit (100 kg/h) et de pression d’injection (500 bars maximum). Si le débit d’essence est limité, ce n’est pas le cas de la richesse du mélange air/carburant, dont on parlera plus loin.

On peut en revanche jouer, un peu, sur l’énergie spécifique (J/kg) de l’essence. Même si la réglementation dresse la liste des ingrédients autorisés et impose au carburant de Grand Prix un profil proche de celui du super sans plomb servi à la pompe, les essences de Total, Shell, Mobil ou Petronas diffèrent sensiblement : “Le profil est encadré, car il faut respecter de grands équilibres, mais on est libre de jouer sur les proportions”, avait expliqué à F1i Philippe Girard, le délégué scientifique de Total.

Une troisième variable est la pression de compression, c’est-à-dire la pression à l’intérieur du cylindre, qui varie avec la température, la charge demandée au moteur, la présence ou non d’un turbocompresseur, etc. Dans l’absolu, le rendement d’un moteur s’améliore avec l’élévation de sa pression de compression : plus la pression du mélange air-essence est forte, plus grande est la force qu’il produit lors de sa détente. Mais il y a des limites physiques : au-delà d’une certaine pression, le moteur risque de casser. Il est ainsi compliqué d’augmenter la pression de compression dans des moteurs suralimentés, précisément à cause de la suralimentation et des contraintes mécaniques plus sévères qu’elle impose aux pièces mobiles (pistons, bielles, vilebrequin…) et fixes (carter, culasse…) du moteur.

ARTE POVERA

Malgré tout, les motoristes de F1 cherchent actuellement à augmenter la compression (en l’approchant du niveau de celle des moteurs diesel), car une compression élevée permet de développer une puissance plus importante et de combattre la contre-pression générée par l’énorme turbine des V6 hybrides ­– turbine qui entraîne à la fois le compresseur et le MGU-H (notons, au passage, la sophistication des compromis que sont condamnés à trouver les ingénieurs sur les “power units” : le moteur thermique doit être correctement suralimenté pour fournir à la fois de la puissance mécanique et des gaz chauds à la turbine ; la turbine doit fournir de l’énergie à la fois à l’ICE et au MGU-H ; le générateur électrique doit récupérer de l’énergie et ne pas pénaliser le rendement du moteur, etc.) Pour accroître la pression de compression, les motoristes peuvent notamment modifier la forme des têtes de piston et de la chambre de combustion.

Une quatrième variable sur laquelle on peut en principe jouer, c’est la richesse du mélange, c’est-à-dire la proportion combustible/comburant. Plus on ajoute d’essence au mélange, plus on augmente la puissance. Problème : vu la limite en carburant fixée par le règlement, l’essence ne peut être injectée qu’avec parcimonie… En outre, la manière dont le MGU-H récupère l’énergie incite à envoyer à la turbine la plus grande quantité possible de gaz d’échappement. Autrement dit, pour que le six cylindres hybride soit efficace dans son ensemble, le bloc thermique doit produire beaucoup de gaz d’échappement tout en consommant peu, c’est-à-dire tourner en mélange pauvre. Pour ces raisons, au lieu d’augmenter la richesse du mélange, les motoristes vont au contraire chercher à la diminuer et à faire fonctionner le moteur en mélange pauvre, voire extra-pauvre (sans que l’on connaisse les chiffres précis).

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