© F1i

L’IMPOSSIBLE CORRÉLATION PARFAITE

Si les gains seront en un sens exponentiels, cela signifie-t-il que les écuries apporteront des nouveautés à chaque course ? Quelles mesures avez-vous prises pour accélérer votre rythme de développement ?

“Le budget que nous consacrons au développement est significativement plus élevé que les saisons précédentes. Cela dit, nous sommes limités par le temps nécessaire à la fabrication des pièces. Il faut produire un nombre d’exemplaires suffisant pour les deux voitures. À côté du cadre réglementaire qui encadre la vitesse de conception des évolutions, nous sommes donc aussi limités par les délais de production. Le modèle de soufflerie est toujours en avance de plusieurs mois sur le châssis réel. La maquette qui se trouve actuellement dans le tunnel, on ne la verra pas avant plusieurs courses.”

Les outils de simulation sont de plus en plus précis. Malgré tout, certaines évolutions ne fonctionnent pas comme prévu. L’an passé, Pat Symonds avait admis que le nouvel aileron avant de la FW38 n’avait pas apporté les gains espérés. [Force India elle-même a identifié un défaut de corrélation sur la soufflerie Toyota à Cologne qu’elle utilise, défaut qui l’amènera à introduire un fond plat rectifié en Espagne.] Comment cela est-il encore possible ?

“La technologie a fait beaucoup de progrès, mais il est impossible de modéliser une voiture avec une fidélité de 100 %. Il reste toujours des zones où l’on doit faire des suppositions, qui, parfois, s’avèrent éloignées de la réalité. Ce genre de décalage s’explique par le fait que la corrélation entre le modèle et la réalité n’est pas assez forte. Dans ce cas, la première chose est de se demander s’il est grave qu’elle ne soit pas parfaite dans ce domaine précis. S’agit-il d’une partie de la voiture où on peut tolérer une erreur parce qu’il y a d’autres zones où il est plus important que la correspondance soit parfaite ?

“La transformation de la forme du pneu est extrêmement difficile à modéliser, c’est là que les erreurs sont les plus fréquentes.”

Deuxième étape : essayer d’identifier les causes d’un tel écart. Elles sont souvent à chercher du côté de la forme du pneu, de sa déformation dans un virage, etc. La transformation de la forme du pneu est extrêmement difficile à modéliser, c’est là que les erreurs sont les plus fréquentes. En revanche, les pièces situées dans un flux d’air libre, les pièces éloignées des éléments en mouvement (comme les roues), sont plus simples à modéliser. Par exemple, on obtient un taux de corrélation de quasiment 100 % pour l’aileron arrière. Dans d’autres cas, comme pour les pièces qui sont proches des pneus par exemple, on passe beaucoup de temps à vérifier, à affiner le modèle, à l’évaluer à nouveau, à faire quantité d’allers-retours pour comprendre d’où vient l’écart. C’est un processus continuel. Au fil du temps, le modèle se rapproche de la réalité, mais il ne s’y confondra jamais.”

© XPB Images

L’APPORT DES PILOTES

Quel rôle le pilote joue-t-il dans le développement de la voiture ? Est-ce qu’il suggère des pistes de travail ?

“Le pilote est un rouage essentiel dans la façon dont nous faisons progresser la voiture. C’est lui qui nous indique le domaine de la performance qui, à son avis, nécessite une correction. Nous ne lui demandons pas d’identifier les pièces qu’il faudrait modifier : nous lui demandons où il pense que l’on peut gagner des dixièmes.

En simplifiant, le processus est le suivant. Sergio [Pérez] ou Esteban [Ocon] nous signale un point faible sur la voiture, que nous reproduisons dans nos simulations, afin de savoir d’où il pourrait provenir. Une fois que nous savons comment y remédier, nous introduisons l’évolution sur la voiture, le pilote l’évalue en piste et nous communique son ressenti. Cela peut être “Oui, c’est un progrès”, ou “Non”, ou encore “C’est mieux dans tel domaine, mais pire dans tel autre”, etc. Nos pilotes font partie intégrante du processus de développement, en confirmant, ou non, que l’équipe travaille dans la bonne direction. D’où l’importance de disposer de deux bons pilotes, qui nous fourniront deux retours, ce qui nous aidera à savoir si nous avons pris le bon cap.”

Retrouvez ici tous nos articles techniques.

Réagir à cet article