Lors du dernier Grand Prix du Brésil, Lewis Hamilton est remonté de la dernière position au quatrième rang à la faveur de dépassements parfois spectaculaires. Bien aidé par un V6 pouvant être pleinement exploité, le Champion du monde 2017 a également fait montre de sa parfaite maîtrise du freinage. Explications.

Freins, freinage, F1, hamilton

STYLE DE FREINAGE

L’’un des secrets de la vitesse de Lewis Hamilton sur un tour sec réside dans sa capacité à exploiter au maximum l’adhérence de la voiture en fonction des conditions du tracé, en utilisant tout le potentiel de sa Flèche d’argent. Cela le conduit souvent à aller au-delà du grip du pneumatique sur les roues avant, avec des freinages très agressifs, tout en dosant finement les éventuels blocages des roues. Revers de la médaille : quand le pneumatique est usé, cela peut l’amener à bloquer ses roues, comme on l’a vu lors des derniers tours à Interlagos alors qu’il tentait de dépasser Kimi Räikkönen.

“Lewis est extrêmement réactif quand il amorce son freinage, explique un communiqué de Brembo, qui fournit à Mercedes le matériel de freinage (disques, étriers, patins). Il dépasse souvent le grip du pneu pour ensuite commencer à moduler la force qu’il applique sur le circuit de freinage. Ce qu’il veut, c’est avoir un contrôle sans faille en entrée de virage. Il relâche souvent l’accélérateur après être bien entré dans la courbe. Sa phase initiale de freinage se termine habituellement en entrée, ce qui résulte souvent en un blocage de la roue avant intérieure.”

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Un pilote moins expérimenté risquerait d’endommager les pneus avant et dès lors de pénaliser la performance, mais le Britannique sent les limites à ne pas dépasser. Quand l’opération est conduite à la perfection, le bénéfice est incomparable, comme à l’occasion du double dépassement réalisé simultanément sur Kimi Räikkönen et Marcus Ericsson au Grand Prix de Chine 2016.

“Après la première phase du freinage, Lewis ne relâche pas complètement le frein tout de suite, il continue à s’en servir pendant qu’il augmente l’angle de braquage, poursuit le communiqué. Cette technique – connue dans le monde entier grâce à son compatriote Jim Clark – s’appelle le ʻtrail braking’. Hamilton l’a apprise enfant sur les karts et privilégie, pour cette raison aussi, le survirage qui en découle souvent, contrairement au sous-virage qu’il ne supporte pas.”

Quand McLaren a évalué le jeune Hamilton durant l’hiver 2006-2007 en vue de ses débuts en Grand Prix, les ingénieurs de Woking ont été surpris par la facilité avec laquelle il composait avec du survirage, qui pouvait être beaucoup plus élevé que ce qu’auraient supporté d’autres grand pilotes ayant couru pour l’équipe (Senna, Räikkönen et Häkkinen), selon le témoignage de l’ancien team manager Dave Ryan.

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“FREINEUR” TARDIF

C’est en karting que le quadruple Champion du monde a acquis les principes du pilotage qui le caractérisent encore aujourd’hui :

“Les gens ne savent pas forcément que, lorsque j’ai commencé en karting, mon père allait sur la piste pour voir où les enfants les plus rapides freinaient avant les virages, expliquait-il voici quelques années. Il me demandait de freiner à cet endroit-là, mais je sortais de la piste, je sortais, je sortais… Chaque fois, il me disait : ʻEssaie encore’. Finalement, je m’y suis habitué et je suis devenu un ʻlate braker’, un pilote qui freine au dernier moment avant le virage. Ça m’a permis de gagner quelques courses.”

Singularité confirmée par Stirling Moss : “C’est un freineur tardif, exactement comme moi.” Hamilton appartient à une lignée de pilotes qui ne détestent pas le survirage et freinent le plus tard possible, celle des Jochen Rindt, Ronnie Peterson, Keke Rosberg ou Mika Häkkinen.

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DE VÉRITABLES ATHLÈTES

Le pilote Mercedes est capable de moduler la pression sur la pédale de frein à mesure que l’appui aérodynamique chute avec la diminution de la vitesse : après avoir enfoncé fortement la pédale quand sa monoplace possédait encore beaucoup de charge aéro, il réduit sa pression juste ce qu’il faut pour éviter le blocage. Selon un ingénieur, “les pilotes du paddock qui possèdent un freinage très puissant et des jambes d’athlète sont Alonso et Hamilton. Ils parviennent à exercer sur la pédale des forces vraiment exceptionnelles.”

Les pilotes peuvent appliquer jusqu’à 160 kilos de pression avec leur seul pied gauche sur la pédale de frein, ce qui se traduit par une pression pouvant atteindre les 100 bars dans l’étrier, où les pistons actionnent les patins. Mais la force ne fait pas tout : selon Brembo, Sebastian Vettel est le seul pilote de Grand Prix à préférer un type de freins selon son type de carbone, car il est capable de détecter une différence subtile dans le matériau de friction.

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CAPACITÉ D’ADAPTATION

On sait que Romain Grosjean – un autre freineur tardif selon Éric Boullier – est pointilleux sur le ressenti qu’il veut avoir pendant le freinage. On l’a un peu oublié aujourd’hui, mais Nico Rosberg avait lui aussi rencontré des problèmes de frein durant toute la saison 2015. S’il a brièvement testé des disques de Carbone Industrie après la casse d’un disque carbone au Grand Prix d’Allemagne, Lewis Hamilton est plutôt fidèle aux produits élaborés par Brembo.

Passer des étriers japonais Akebono de McLaren aux étriers italiens en arrivant chez Mercedes ne lui a pas posé de problèmes insurmontables. L’an passé, en revanche, l’augmentation de pression et les prescriptions de cambrure imposées par Pirelli, associées avec l’introduction d’un nouvel amortisseur anti-plongée sur la W07, ont affecté indirectement sa capacité à freiner aussi tard qu’il le souhaitait en particulier sur les circuits bosselés (Bakou, Singapour).

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UN FACTEUR CRITIQUE

En F1, les systèmes de freinage sont personnalisés pour mieux s’adapter à chaque voiture. Les étriers sont ainsi construits sur mesure pour chaque monoplace (les étriers de frein que fabrique Brembo pour les Flèches d’argent sont réalisés dans un alliage d’aluminium-lithium particulier afin d’optimiser le rapport poids-rigidité). Il est important que l’étrier réponde de manière linéaire aux sollicitations appliquées par le pilote et que la hausse de température soit maîtrisée. La montée de température à l’intérieur du disque conduit à la dilatation du matériau (carbone), qui est donc moins dur. Or, si ce matériau devient moins dur, le ressenti dans la pédale évolue. Et si le pilote commence à modifier ses repères de freinage pour compenser une pédale plus longue, il va perdre la confiance dans sa voiture.

Si Hamilton freine particulièrement tard, en conservant beaucoup de vitesse à la corde, sa vitesse tient à une multitude d’autres paramètres, dont une grande faculté d’adaptation, qui l’a aidé à dompter mieux que son équipier une W08 particulièrement pointue. De quoi coiffer une quatrième couronne mondiale et asseoir une domination à laquelle Sebastian Vettel et Ferrari n’ont pas complètement réussi à mettre un frein.

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