Avant l’étape du montage, les pièces visibles de la carrosserie d’une monoplace de F1 doivent être peintes. Dernière opération avant les premiers tours de roue, la mise en peinture doit répondre à plusieurs défis, dont le gain de poids. Explications à quelques semaines des premiers lancements.

“Des goûts et des couleurs, il ne faut pas disputer”, selon l’adage. On ne discutera donc pas ici de l’orange papaye de McLaren ni du rose bonbon des Force India, mais plutôt des étapes concrètes de la mise en peinture d’un châssis de Formule 1.

Une fois les couleurs choisies au terme d’un processus assez poussé (une image du châssis – tirée du fichier CAO – est disposée devant différents arrière-plans réels de différents circuits, etc.), l’atelier de peinture peut se mettre au travail… sur une maquette à l’échelle 1.

“On utilise un modèle à taille réelle pour cerner visuellement les contours de la voiture, explique sur le site de McLaren le responsable de l’atelier de peinture de l’écurie, Glen Washington . Ce serait plus rapide de consulter l’écran et de se lancer directement dans la peinture du vrai châssis, mais peindre d’abord une maquette nous permet de bien voir les séparations entre les différentes couleurs.”

“Une carrosserie de F1 est percée d’ouvertures, de trappes, elle comporte des tas de renflements qui compliquent notre tâche : s’exercer sur un prototype à l’échelle 1 nous aide à choisir la meilleure option pour les contours. C’est aussi très pratique pour tester de nouveaux produits.”

Avant d’appliquer la moindre couche, les surfaces visibles doivent être préparées :

“Les pièces que nous recevons du département des composites sont fabriquées en carbone brut. Il faut poncer leur surface avec des matériaux très abrasifs, même si certaines pièces restent parfois brutes pour des raisons aérodynamiques. Ensuite, on applique un enduit qui va lisser la pièce, mais sans trop en étaler pour ne pas altérer les volumes. On essaie d’éliminer les imperfections du carbone, les reliefs sur les joints entre le carbone et le métal.”

LA CHASSE AUX GRAMMES SUPERFLUS

Après deux couches de fond (et un nouveau ponçage entre les deux), les peintres de la vitesse commencent par apposer le blanc, qui est ensuite recouvert par les autres teintes. En général, trois couches sont nécessaires pour obtenir le rendu souhaité, ce qui représente environ 4 kilos de peinture.

L’objectif est d’atteindre la meilleure finition possible au poids le plus léger (de ce point de vue, une livrée sombre est plus intéressante qu’une robe claire, car il faut moins de peinture pour couvrir le carbone noir). En 2016, quand elle inaugura sa décoration matte sur la RB12, Red Bull avait affirmé avoir gagné 500 grammes grâce à cette finition… Il n’y a pas de peinture matte ou brillante : c’est la laque, l’enduit choisi qui donne cet aspect.

L’ÉTAPE DE CUISSON

Une fois laquée, la pièce est thermodurcie pour s’assurer que la peinture a été bien absorbée :

“On chauffe les cabines de peinture environ 40-45 minutes à 60 °C. Nous avons beaucoup travaillé avec notre partenaire AkzoNobel pour réduire ce temps de séchage. De manière générale, nous essayons toujours de gagner du temps, car nous intervenons en bout de chaîne : c’est de notre atelier que partent les pièces expédiées sur les circuits.”

S’il travaille d’arrache-pied en février (toutes les pièces devant être peintes avant les essais hivernaux), l’atelier de peinture est en réalité sur le pont tout au long de la saison.

Les monoplaces sont en effet repeintes plusieurs fois par an, étant donné qu’après chaque Grand Prix, leur carrosserie est maculée d’huile, voire endommagée par des débris, des graviers, etc.

Cependant, comme toutes les pièces ont déjà été enduites, l’opération est plus rapide : une monoplace complète peut être repeinte en trois ou quatre jours.

“On repeint le châssis toutes les trois courses, en fonction de l’endroit où il se trouve. Trois châssis sont amenés sur chaque Grand Prix : on en remplace un, qui retournera à l’atelier en Grande-Bretagne par fret. Il s’agit de jongler avec les différents châssis, le team-manager se chargeant de choisir celui qui doit être remis en peinture.”

“Cela entraîne évidemment un certain coût. C’est pour cela que nous réfléchissons à l’idée de faire repeindre notamment les ailerons avant et arrière dans les ateliers locaux de notre partenaire, situés dans le pays où se trouve alors le châssis.”

Chaque écurie travaille étroitement avec un partenaire technique privilégié : par exemple, AkzoNobel pour McLaren ou Ixell pour Renault. “Nous avons construit à Enstone un nouvel atelier de peinture et de préparation, et Ixell nous a fourni son expertise, son savoir-faire et ses produits pour y parvenir dans des délais très courts”, explique Cyril Abiteboul, le directeur général de Renault Sport Racing.

DÉFORMATION ANTICIPÉE

Enfin, touche finale, les décalcomanies des sponsors – souvent imprimées à l’usine – sont apposées sur la carrosserie. Là encore, il s’agit d’une opération très délicate :

“Vu les courbures de la carrosserie, les logos seraient déformés s’ils étaient reproduits sans tenir compte de la perspective, conclut Washington. Les logos ou les inscriptions sur le capot moteur auraient l’air de rétrécir si on ne tenait pas compte du fait que le capot s’amincit de plus en plus. On doit donc parfois augmenter la taille des lettres à l’arrière. Pour préparer le travail, une maquette à l’échelle 1 est très utile, car elle nous permet de tester différentes solutions en conditions réelles, assez tôt.”

Dali disait que “la peinture [était] la face visible de l’iceberg de [s]a pensée”. Seul élément visible d’un bolide de Grand Prix (sauf sur F1i !), la carrosserie cache les entrailles de la machine, mais expose ses courbes aérodynamiquement sculptées. Des volumes mis en valeur par la peinture qui les recouvre et les sublime… parfois.

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