Motor Racing – Formula One World Championship – Abu Dhabi Grand Prix – Practice Day – Abu Dhabi, UAE

Après avoir été remanié en profondeur l’an dernier (accroissement de l’appui aérodynamique et de l’adhérence mécanique), le règlement technique de la Formule 1 est dominé cette saison par l’introduction du système de protection frontale baptisé “Halo”. Mais d’autres changements ont été apportés au règlement technique pour la saison à venir.

1 — DES AILERONS DE REQUIN RABOTÉS

L’an passé, les aérodynamiciens avaient installé une dérive au-dessus du capot moteur, comme dans les années 2008-2010, afin de minimiser les turbulences nées de la rencontre des flux d’air circulant de part et d’autre de l’entrée d’air moteur. Cet “aileron de requin” permettait à l’air de s’écouler sur chacune de ses faces, ce qui permettait de “redresser” les deux flux et de produire, au bout de la dérive, un flux plus laminaire. Recevant un flux d’air plus propre, de meilleure qualité, l’aileron arrière générait davantage d’appui.

Le nouvel article 3.5.1 ne supprime pas cette dérive centrale, mais il en réduit significativement la surface. La dérive doit désormais être inclinée vers le bas : sa crête doit suivre une ligne oblique et non plus horizontale. Sa disparition, décidée en novembre seulement, a obligé les écuries à redessiner leur aileron arrière.

© Williams & Haas

Il se dit que McLaren a bloqué le maintien des “shark fins” moins pour des raisons commerciales (améliorer la visibilité de l’aileron arrière… alors que la surface perdue offrait aussi un bel emplacement commercial) que parce qu’elle souhaitait gêner Red Bull, qui préparait un aileron arrière très spécial, selon des sources bien informées.

Concrètement, les ailerons de requin 2018 devraient ressembler au modèle évalué l’an dernier par Sauber à partir du Grand Prix des États-Unis. L’écurie suisse a d’ailleurs roulé, lors des tests d’Abou Dhabi, dans une configuration 2018 : dérive centrale rabotée, capot dépourvu de “T-wing” (voir page suivante) et Halo profilé installé.

© XPB Images

2 — “T” COMME “TERMINÉ, LES T-WINGS”

Les T-wings ont fleuri sur les capots des F1 2017 à cause d’un oubli dans la mise à jour du règlement technique. Cette lacune textuelle a été corrigée dans l’édition 2018.

Cependant, une interprétation de l’article 3.5.1 du règlement technique laisse la porte ouverte à un petit T-wing, semblable à celui qui équipait la Williams FW40 ou la Sauber C36 l’an passé.

L’article délimite une zone triangulaire au-dessus du capot moteur dans laquelle aucun élément de carrosserie ne peut être ajouté. Mais il ne mentionne pas l’espace situé en dessous de cette zone, qui pourrait être exploité par les écuries pour installer une fine aile, afin de compenser la perte du T-wing et les contraintes plus strictes imposées au placement du “monkey seat” (voyez page 7).

En théorie, cet aileron sert à mieux diriger le flux d’air vers le plan inférieur de l’aileron arrière et, par conséquent, à optimiser le fonctionnement du diffuseur.

Si aucune autre écurie que Williams et Sauber ne l’avait adopté en cours de saison dernière (sans doute à cause d’un gain marginal), le bénéfice de son installation pourrait être plus conséquent compte tenu de l’interdiction des deux appendices susmentionnés.

© F1i

3 — HELLO, HALO !

Contrairement à ce que son étymologie laisserait croire, le “Halo” n’est pas une auréole faite de lumière mais bien une robuste armature en titane installée au-dessus du cockpit pour protéger la tête du pilote de gros débris en mouvement. L’ossature peut être achetée par les écuries à trois fournisseurs agréés par la FIA (un anglais, un italien et un allemand), pour un coût approximatif de 15 000 euros.

La structure est avant tout destinée à empêcher l’intrusion dans le cockpit de gros objets (roue, partie de monoplace ou de glissière, etc.). Selon les études de la Fédération, elle n’aurait pas sauvé Jules Bianchi et aurait eu un effet “positif” dans l’incident dont fut victime Felipe Massa en 2009 (percuté par un ressort).

Le règlement technique a instauré de nouveaux crash-tests afin de garantir la solidité du Halo. Si la carcasse est fabriquée par un fournisseur agréé, les fixations dans le châssis relèvent de la responsabilité des écuries. La cellule de survie et les attaches doivent résister à différentes charges appliquées pendant cinq secondes à quatre endroits : 11,6 tonnes sur le dessus de l’armature, 4,6 et 8,3 tonnes longitudinalement à l’avant et 9,3 tonnes sur les côtés.

S’il crée des turbulences, le Halo pose problème surtout par son poids. À cause des charges qu’il devra supporter, le Halo pèsera environ 15 kg (9 kg pour la structure, 6 kg pour les fixations). Or, cet excédent ne sera que partiellement compensé par une hausse du poids minimal de 6 kg dans le règlement. Les ingénieurs auront donc moins de lest à répartir, voire pas du tout, ce qui impactera les performances. Force India affirme qu’elle ne pourra pas jouer avec du lest, contrairement à McLaren : “Nous disposons d’un peu de lest, explique le directeur de course Éric Boullier. L’équipe est très forte quand il s’agit d’alléger le châssis. D’autres formations ne peuvent en dire autant, ce sont les mêmes dont le châssis était trop lourd l’an passé.”

Les pilotes les plus grands ont été invités à perdre quelques kilos, et il est probable que certaines monoplaces soient au-dessus du poids minimal en début de championnat.

© F1i

4 — PLUS UNE GOUTTE D’HUILE…

Objet de polémique l’an passé, la consommation d’huile sera plus rigoureusement encadrée, la FIA soupçonnant certains motoristes de brûler de l’huile pour augmenter les performances de leur groupe propulseur. La Fédération a pris un ensemble de mesures contraignantes :

1) La quantité d’huile pouvant être brûlée reste la même que le seuil introduit en septembre 2017, soit 0,6 litre par 100 km.

2) Les teams doivent permettre à la FIA de connaître à tout moment le niveau du réservoir d’huile principal (via un capteur). Le volume des autres réservoirs d’huile ne sera pas suivi en temps réel, mais devra être communiqué une heure avant le départ de la course.

3) L’an passé, les ingénieurs profitaient d’une disposition du règlement qui permettait d’évacuer les vapeurs d’huile du carter en l’injectant dans la boîte à air grâce à des vannes (car il faut bien évacuer cette vapeur). Leur astuce ? Exploiter ce mécanisme – alors légal – pour injecter une autre spécification d’huile, riche en additifs optimisant la combustion, et la brûler. Pour mettre un frein à cette pratique, un nouvel article 7.9 interdit l’usage de vannes de contrôle entre n’importe quelle partie du moteur et la boîte à air.

4) Un nouvel article 20 impose à chaque formation de déclarer la spécification d’huile qu’elle utilise pour chaque moteur. Un échantillon numéroté, détaillant la composition du lubrifiant, devra être soumis à la FIA avant chaque épreuve.

Plus important : pendant un Grand Prix, les écuries ne pourront utiliser qu’un seul type d’huile par moteur. Cette disposition est fondamentale, car on suspectait certains motoristes – Mercedes et Ferrari – d’injecter une autre formulation (contenant des additifs interdits dans la composition de l’essence) pendant la qualification.

5) Méfiante, la FIA a aussi interdit la combustion de n’importe quelle autre substance que l’essence et l’air.

6) Enfin, l’article 5.6.8 impose que l’air contenu dans la boîte à air soit plus chaud de 10 °C que l’air ambiant. Cette disposition, qui impose une température minimale, suggère que certains motoristes refroidissaient l’air en dessous de la température ambiante, pour des raisons de performance et de fiabilité.

En installant des capteurs un peu partout sur le moteur, la FIA cherche à comprendre plus précisément ce que font les motoristes, dans l’espoir probable d’égaliser peu à peu les performances en interdisant certaines trouvailles.

© F1i

5 — TROIS MOTEURS, PAS UN DE PLUS !

Cette saison, un palier supplémentaire sera franchi en matière de fiabilité des V6 hybrides : les groupes propulseurs des F1 devront être encore plus fiables afin d’éviter l’application de pénalités. Le quota de blocs thermiques, de turbocompresseurs et de MGU-H admis pour toute la saison passera de quatre à trois, alors que seuls deux exemplaires du MGU-K, de la batterie et du boîtier de contrôle pourront désormais être montés.

Comme le championnat compte une manche de plus que l’an passé, cela signifie que chaque exemplaire du bloc thermique, du turbo et du MGU-H devra durer 7 courses (contre 5 en 2017), alors que chaque spécimen du MGU-K, de la batterie et du boîtier électronique aura à boucler entre 10 et 11 épreuves, soit le double de la durée de vie 2017.

Ces seuils de longévité seront plus ou moins difficiles à atteindre par les quatre motoristes, qui ont affiché l’an passé une robustesse assez disparate.

Comme expliqué plus tôt cette semaine dans notre dossier, la fiabilité des moteurs sera très certainement l’un des paramètres cruciaux de 2018.

© F1i

6 — DES SUSPENSIONS DAVANTAGE CONTRÔLÉES

L’an passé, la FIA soupçonnait certaines équipes de travailler sur un système capable d’exploiter les mouvements de la direction pour abaisser la garde au sol lorsque la voiture amorce un virage (afin de compenser la remontée du nez et de l’aileron avant qui s’opère quand le pilote cesse de freiner et qui entraîne une perte d’appui).

McLaren, Ferrari et Red Bull auraient évalué, à des degrés divers (Woking au Grand Prix d’Autriche, Maranello à Spa), un tel système capable de conserver une garde au sol aussi constante que possible. Comme on le voit sur l’image ci-dessous (RB13), l’astuce consiste à étendre et à attacher assez haut l’un des éléments de suspension.

Or, dans l’esprit du règlement, les mouvements de suspension ne peuvent avoir aucun effet délibéré sur l’équilibre aérodynamique de la voiture. Raison pour laquelle la FIA a publié en décembre une directive encadrant plus strictement le dessin des éléments de direction et de suspension pour 2018.

Les teams doivent dorénavant fournir à Charlie Whiting une description prouvant que leur système de direction n’affecte pas la hauteur du train avant lorsque le volant est tourné.

L’an passé, la FIA avait reçu une lettre de la part de Ferrari décrivant un système de suspension interconnectée stockant de l’énergie. Si l’objet officiel de la lettre était l’approbation de Charlie Whiting, celle-ci était davantage destinée à faire condamner un dispositif en vigueur chez Mercedes et chez Red Bull. La guerre de l’amortissement ne connaît pas de suspension…

© Haas

7 — LE SINGE FAIT LA GRIMACE

Le “monkey seat” est une sorte d’arceau profilé, fixé à la structure d’absorption, dans le prolongement du pot d’échappement. Son rôle est de profiter de l’énergie des gaz d’échappement en les dirigeant vers l’aileron arrière (vers la face inférieure du plan principal), afin de maintenir attaché le flux qui court sur la face inférieure (une explication détaillée sur le fonctionnement du “monkey seat” se trouve ici).

La FIA n’appréciant pas l’exploitation des gaz d’échappement (souvenez-vous des échappements soufflés), elle a décidé de modifier le placement du “monkey seat”. Celui-ci ne pourra plus se trouver dans le prolongement du pot d’échappement mais devra, le cas échéant, être positionné en amont, le rendant de facto beaucoup moins intéressant. L’appendice a disparu sur les monoplaces présentées jusqu’ici (Haas et Williams), où, pour compenser, une petite ailette (comme un spoiler) a été installée dans le prolongement de la structure déformable à l’arrière (voyez la flèche jaune).

“Nous avons perdu le ‘monkey seat’, regrette le directeur technique de Williams, Paddy Lowe. Vous vous souvenez de l’époque des échappements soufflés, entre 2010 et 2012 – une période d’ailleurs très intéressante pour les ingénieurs. Eh bien, le soufflage est réapparu l’an passé à travers le ‘monley seat’, qui a donc été rendu illégal pour réduire ce genre d’effet.”

On notera que Renault était la seule équipe l’an passé à ne pas utiliser de “monkey seat”. Elle devrait donc tirer davantage de profits de son interdiction que ses rivales.

© XPB Images

8 — À FOND LA GOMME

Deux nouveaux mélanges de gomme seront mis à la disposition des écuries par Pirelli : un hyper-tendre (rose) et un super-dur (orange).

Si ce dernier est une solution de sauvegarde (au cas où les gains en appui imposeraient des charges trop élevées aux pneus), la gomme hyper-tendre devrait être le pneu de qualification par excellence. Se dégradant assez vite, il était une seconde plus rapide que le mélange ultra-tendre lors des tests d’Abou Dhabi en fin d’année dernière. Plus largement, les quatre composés tendres (tendre, super-tendre, ultra-tendre et hyper-tendre) sont nouveaux.

Pour se donner davantage de marge de manœuvre, le manufacturier italien s’est permis de sauter une spécification dans son choix de trois gommes pour chaque Grand Prix. Pour le Grand Prix de Chine 2017, par exemple, il avait opté pour le super-tendre, le tendre et le médium – un choix peut-être un peu conservateur. Pour l’édition 2018, Pirelli a choisi l’ultra-tendre, le tendre et le médium, afin de donner aux écuries plus de libertés tactiques.

© XPB Images

9 — MAIS AUSSI…

Les roues seront fixées à la monocoque par trois câbles au lieu de deux, qui ne pourront désormais plus passer par le même bras de suspension.

En outre, la batterie, les boîtiers de contrôle de l’ERS et le câblage devront être installés sous le réservoir d’essence.

Au plan sportif, le système des pénalités lié au groupe propulseur est simplifié. Les pilotes dont un élément du moteur aura été remplacé au-delà du quota permis écoperont toujours d’une sanction les obligeant à reculer de cinq ou dix places sur la grille de départ (selon la pièce remplacée). En revanche, une pénalité excédant un renvoi de quinze places sera automatiquement convertie en renvoi en fond de grille.

Enfin, les commissaires pourront pénaliser un pilote qui ne se place pas correctement sur la grille de départ (c’est-à-dire à un endroit empêchant le transpondeur de la FIA de fonctionner et dès lors de repérer les “départs volés”). Ceci pour éviter de voir un pilote se placer bizarrement sur la grille, comme ce fut le cas de Sebastian Vettel au Grand Prix de Chine l’an passé.

À Shanghai, l’Allemand s’était largement décalé de l’emplacement qui lui était attribué sur la grille, à tel point que le départ du pilote Ferrari n’avait pas pu être enregistré par le système de détection de la FIA.

Désormais, un pilote qui positionnera sa voiture sur la grille de départ de telle sorte à ce que le transpondeur ne puisse détecter le premier mouvement de sa monoplace sur la grille après le signal de départ pourra être sanctionné par les commissaires sportifs de la FIA.

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