A l’occasion du retour inattendu de Felipe Massa sur les grilles de départ en 2017, F1i a donné la parole à Rob Smedley, son ingénieur de piste chez Ferrari puis chez Williams et depuis des années un témoin privilégié de la carrière du pilote brésilien. Morceaux choisis.

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LA PREMIÈRE RENCONTRE

Cela remonte à 2002. A l’époque, j’étais ingénieur de course chez Jordan et j’avais suivi d’un oeil ses débuts avec Sauber. Pour être honnête, son talent ne m’a pas directement sauté aux yeux vu le nombre impressionnant de voitures qu’il démolissait ! Mais en y regardant de plus près – comme ses temps au tour par rapport à ceux de son équipier (Nick Heidfeld, ndlr) – j’ai vite remarqué combien il était rapide, même incroyablement rapide, surtout contre le chrono. Plus jeune, c’était l’une de ses grandes forces : être capable de sortir le bon tour au bon moment. Je me souviens avoir dit à Eddie Jordan : « ce petit gars a quelque chose, on devrait s’y intéresser ». Ce fut l’une des rares fois où Eddie m’a écouté jusqu’au bout. Il a appelé Massa et l’a fait venir pour mouler son siège en vue d’un test. C’est comme ça qu’on s’est rencontrés, à l’intersaison 2002-2003, alors qu’il venait d’être viré par Sauber. Je me suis chargé du moulage et il a roulé pour nous durant l’hiver. Le courant est directement passé. Il était jeune, toujours de bonne humeur avec une belle fraîcheur d’esprit. Finalement, le roulage n’a rien donné et Eddie a embauché Ralph Firman à la place. Felipe, de son côté, a rebondi en devenant le pilote d’essai de Ferrari pour 2003. En y réfléchissant bien, ce fut sans doute la meilleure décision de sa carrière. Imaginez un instant qu’il eut signé avec Jordan. Il aurait été soutenu par un sponsor local du genre Banco Do Brasil, aurait un temps renfloué les caisses puis serait tombé dans l’oubli le plus total au volant d’une voiture loupée ! Cela aurait pu être la fin de Felipe Massa.

Imaginez un instant qu’il eut signé avec Jordan. Il aurait été soutenu par un sponsor local du genre Banco Do Brasil, aurait un temps renfloué les caisses puis serait tombé dans l’oubli le plus total au volant d’une voiture loupée ! Cela aurait pu être la fin de Felipe Massa.

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RETROUVAILLES À MARANELLO

Un an plus tard, c’était à mon tour de rejoindre la Scuderia, au moment où il retournait chez Sauber (déjà à l’époque un proche partenaire de Ferrari, ndlr) mais ça ne nous a pas empêchés de continuer à nous croiser dans le paddock. Il restait ce même garçon charmant et abordable que j’avais connu deux ans auparavant. En terme de résultats, 2004 et 2005 ont été des bonnes saisons pour lui. Ce fut à ce moment-là qu’il a commencé à mûrir pour de bon, sans doute parce qu’il détruisait moins la voiture mais, surtout, parce qu’il commençait à devancer ses équipiers plus régulièrement (Giancarlo Fisichella puis Jacques Villeneuve, ndlr).

Ensuite, il a obtenu un test fin 2005 dans la Ferrari mais je n’étais pas encore son ingénieur à l’époque. J’ai d’ailleurs une drôle d’histoire à ce sujet-là. Son ingénieur préposé s’appelait Gabriele Delli Colli. Un bon gars, très doué mais lui et Felipe ne s’entendaient pas très bien. Après quatre courses, j’ai été convoqué dans le bureau de Jean Todt. Bien qu’étant chez Ferrari depuis quelques temps, j’ai toujours essayé d’éviter cette pièce autant que possible. Jean et Ross (Brawn) étaient assis en face de moi et m’ont dit ; « Rob, me dit Todt. Nous savons que tu es venu chez Ferrari pour ne plus devoir aller sur les courses », ce qui était vrai. J’avais été dégoûté de la compétition après l’épisode Jordan et mon poste dans l’équipe d’essai me convenait. « Mais nous voudrions te proposer un nouveau job et devenir l’ingénieur de piste de Felipe. Qu’en penses-tu ? ». C’était du Jean tout craché ! Un peu interloqué, j’ai dit ; « Euh, eh bien,… Pour être honnête, je suis plutôt content avec mon job actuel ». Et il a répondu; « Ah oui ? Très bien, dans ce cas, je vais te reposer la question : qu’en penses-tu ? ». J’ai fini par accepter sans plus poser de questions. Avais-je vraiment le choix ? Je ne pense pas.

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Et voilà comment je me suis retrouvé au Nürburgring à devoir coacher Felipe. Le début de saison avait été compliqué et il devait absolument retrouver sa concentration. Je me souviens être arrivé en Allemagne assez inquiet à propos de ses résultats. Pour moi, c’était clair qu’il devait battre Michael Schumacher et gagner des courses. Je me disais sans cesse : « Les progrès viendront mais c’est à toi de bâtir les fondations sinon ça n’ira jamais ». Sans fausse modestie, l’une des choses que je lui ai le mieux appris est savoir se définir des objectifs réalistes. Et ça a marché ! Il avait juste besoin que quelqu’un lui dise qu’il pouvait y arriver et, le dimanche, il est monté sur le podium (troisième derrière Schumacher et Alonso, ndlr). A partir de ce week-end-là, toutes les pièces du puzzle se sont mises en place les uns après les autres.

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